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Sa Majesté Jean-Pierre Léaud, dans un Louis XIV qui le suivra "jusqu'à la mort"

Sa Majesté Jean-Pierre Léaud reçoit dans sa chambre cannoise. Allongé sur le lit de son hôtel, l'acteur de 72 ans, légende du cinéma français, explique à l'AFP comment son rôle dans "La Mort de Louis XIV" l'a "transformé".

Incarner le Roi Soleil agonisant dans ce film du réalisateur espagnol Albert Serra, présenté en séance spéciale à Cannes, "ça été un travail gigantesque. On est vraiment partis de rien, mais je savais que ce film serait extrêmement important pour moi", a raconté à l'AFP l'acteur fétiche de François Truffaut.

Ce film au rythme délibérément lent et répétitif, dans le huis clos de la chambre du roi, "c'était une rupture absolument radicale avec Antoine Doinel, mais jouée avec autant d'intensité".

Incarné vingt ans durant par Léaud dans les films de Truffaut, depuis "Les 400 coups" jusqu'à "L'Amour en fuite", le personnage de Doinel a fini par se confondre dans l'esprit du public avec l'acteur lui-même.

C'est pour ce rôle que Léaud, alors âgé de 14 ans, était venu pour la première fois en 1959 au Festival de Cannes où les "400 coups" avaient reçu un accueil triomphal.

Cinquante-sept ans plus tard, il confie que "La Mort de Louis XIV" l'a "effectivement transformé".

"On ne peut pas s'accrocher pendant un mois à la mort sans sortir un tout petit peu transformé", témoigne celui qui a été dirigé par les réalisateurs de la Nouvelle Vague - outre François Truffaut, Jean-Luc Godard ("Masculin Féminin"), Jean Eustache ("La Maman et la putain"), Jacques Rivette ("Out 1: Noli me tangere") - puis plus récemment Olivier Assayas ("Paris s'éveille", "Irma Vep") et Bertrand Bonello ("Le pornographe").

- Les 'fantômes qui m'accompagnent' -

Sur le tournage, "toute l'équipe m'a appelé Majesté et j'ai compris que j'étais capable de jouer ce rôle de Louis XIV avec le plus d'intensité possible, ces variations sur la mort et la souffrance", témoigne Léaud, d'une voix lente, le souffle court d'un homme vieillissant. L'esprit, lui, est toujours vif.

Il le fallait pour apprendre les heures de textes et de tirades extraits des Mémoires de Saint-Simon. Même si finalement, le réalisateur n'a gardé que "l'intensité" de scènes dans lequel le monarque est mourant, s'exprimant par des geignements et quelques mots.

"Le silence extrêmement profond d'un monarque -c'est quelque chose que je ne connaissais pas en moi- quelque chose de majestueux. Je ne savais pas que je pouvais faire ça", affirme Léaud.

Rare survivant de la Nouvelle Vague, mouvement français qui a révolutionné la façon de faire des films à partir des années 1950, Léaud est hanté par les "fantômes qui l'accompagnent", ceux de Truffaut, Eustache ou Rivette.

Pendant un mois, sur le tournage de "La Mort de Louis XIV", "ils étaient là, bien présents", confie Jean-Pierre Léaud, qui dit avoir ressenti sur le plateau "la créativité de tous ces grands metteurs en scène avec lesquels il a travaillé".

L'homme, auquel doit être remis dimanche une Palme d'or d'honneur, n'a aucunement l'intention de se laisser enterrer. "Il y a toujours un moment où l'on se dit +je suis vieux+", témoigne-t-il. "Je vais pouvoir jouer des personnages qui ont mon âge, c'est-à-dire 72 ans. Je le pense vraiment".

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