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Sur les écrans russes, Gogol contre les sorcières

Nicolas Gogol, l'un des plus célèbres écrivains russes, transformé en un détective gothique luttant contre des forces surnaturelles sous la forme de sorcières plantureuses et dénudées: le film "Gogol. Le début" provoque des froncements de sourcils en Russie.

La bande-annonce du film, sorti le 31 août, donne le ton avec des sorcières en longues robes rouges kidnappées par des démons, à la manière de certaines sagas américaines pour adolescents. Le romancier est lui d'une pâleur cadavérique, les cheveux couleur corbeau et sujet à des crises d'évanouissement quand lui viennent des "visions", dans ce film qui sera aussi décliné à la télévision en une série de huit épisodes.

Des critiques ont dénoncé cette reconstitution sous forme de série B de la vie d'un écrivain phare du patrimoine russe, regrettant les faux-cils et lèvres sombres bien peu en phase avec le 19e siècle. Mais le producteur Alexandre Tsékalo, connu pour son esthétique moderne, assure avoir voulu donner un nouveau souffle à l'oeuvre de Nicolas Gogol.

Il explique s'être inspiré "des circonstances possibles de l'écriture" des "Soirées du hameau près de Didanka", un recueil de nouvelles au ton fantastique sur l'Ukraine -sa terre d'origine, alors partie intégrante de l'empire russe-, paru entre 1830 et 1832.

"Nous avons lié tous les événements effrayants" évoqués dans ces nouvelles "et nous leur avons donné un seul coupable, on pourrait dire un tueur en série", raconte le producteur lors d'une conférence de presse.

Pour les besoins du scénario, Nicolas Gogol devient l'assistant d'un célèbre enquêteur, envoyé par le tsar dans la campagne ukrainienne pour résoudre une série de meurtres mystérieux de jeunes femmes.

"Tout le reste, c'est Gogol, même le fait qu'il ait travaillé comme greffier (pour la police politique) et qu'il soit allé à Didanka dans le cadre de son travail: tout cela est arrivé dans la vraie vie", affirme M. Tsékalo.

- 'Désolé Gogol' -

La lecture des oeuvres de Nicolas Gogol, dont la plus connue est "Les Âmes mortes", est obligatoire pour les écoliers russes.

Son portrait "poussiéreux est accroché dans toutes les salles de classe, et tout le monde en a ras-le-bol", assure une des scénaristes du film, Natalia Merkoulova.

A ses yeux, le film "Gogol. Le début" est un "grand pas en avant" pour donner à Nicolas Gogol "une nouvelle vie".

Pour séduire toutes les tranches d'âge, le film a été diffusé en deux versions: l'une, réservée aux spectateurs âgés de 16 ans et plus, l'autre pour ceux ayant au moins 18 ans, car contenant des scènes plus violentes ou à caractère sexuel.

"Le côté un peu trash est voulu", affirme le réalisateur Iégor Baranov qui, comme le reste de son équipe, portait un tee-shirt "Désolé Gogol" lors de la présentation du film au public à Moscou.

Dans un clip promotionnel, un acteur imite un professeur navré: "Jamais je n'aurais cru dans ma vie voir Nicolas Vassiliévitch Gogol sans son pantalon", se lamente-t-il.

Si certains se sont dit amusés par cette nouvelle interprétation de l'oeuvre de Gogol, le film a provoqué la consternation de plusieurs critiques et de spectateurs russes.

L'agence de presse russe Interfax a ainsi déploré que les personnages "parlent comme des vendeurs dans un magasin de téléphones".

"Je ne pense pas qu'ils connaissaient la silicone à Didanka, à l'époque de Gogol. Je ne pense pas non plus que Gogol portait du maquillage", a grimacé un des premiers spectateurs sur le site Vokroug TV, spécialisé dans les films et émissions de télévision.

De son côté, bien que regrettant "la nudité et les (corps) éventrés", le quotidien officiel Rossiskaïa Gazeta s'est voulu positif: "Pour un film d'horreur de série B, ce n'est pas si mal", a-t-il soutenu.

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