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Théâtre: le grand maître polonais Krystian Lupa éblouit Avignon

A 71 ans, le metteur en scène polonais Krystian Lupa, un des maîtres du théâtre européen, n'avait jamais donné de pièce au festival d'Avignon. C'est chose faite avec sa mise en scène éblouissante de la pièce de Thomas Bernhard "Des arbres à abattre".

Une ovation a accueilli la pièce donnée pendant plus de 4 heures à la FabricA, la nouvelle salle du festival, jusqu'au 8 juillet.

Krystian Lupa entretient de longue date un compagnonnage avec l'oeuvre de Thomas Bernhard, écrivain autrichien plein de hargne pour son pays "catho-nationaliste" et féroce vis à vis de ses concitoyens.

La pièce met en scène un "dîner artistique". Le couple invitant est déjà tout un poème: lui, compositeur alcoolique et cynique, elle, coincée dans le paraître de ce dîner mondain à la façon d'une madame Verdurin chez Proust.

Autour d'eux, tout un petit monde narcissique, comédiens, peintre ou romancières, réunis "en mémoire" de Joana, une amie de jeunesse, qui s'est pendue.

Il y a 20 ou 30 ans, ils se rêvaient tous en Rimbaud ou en Virginia Woolf. Les voici vieillis, compromis avec les institutions, repus dans le confort d'une vie bourgeoise d'où les rêves ont disparus.

Chaque personnage, formidablement interprété par un des 13 comédiens de la troupe, est à la fois pathétique et émouvant. La référence à l'Autriche s'est estompée, et ces "artistes" déchus pourraient être chacun de nous.

Au delà de la satire d'un milieu corrompu par les compromissions, Krystian Lupa descend au plus profond de l'âme humaine, au delà de la vanité, là où chacun se sent seul et proche de la mort.

La soirée s'étire en longueur, les invités se déglinguent peu à peu, pour laisser tomber le masque. Ils sont enfermés sur le plateau dans une cage de verre qui tourne sur elle-même, déployant les décors: la chambre de Joanna, qui sombre dans l'alcool avant de se suicider, le salon et la grande table du dîner. La vidéo, utilisée avec beaucoup de subtilité, contribue à tisser l'histoire.

Sur le côté, assis dans son fauteuil de cuir, le personnage de Thomas Bernhard observe et commente tout cela à distance. Au moment du départ, son hôtesse lui fait promettre de ne rien écrire de tout ça ... promesse non tenue, évidemment.

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