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Tweets haineux de Mehdi Meklat: une polémique toujours vive

La polémique ne retombe pas autour des anciens tweets haineux du chroniqueur Mehdi Meklat: des médias sont accusés de "complaisance", sur fond de débat toujours vif en France sur l'antiracisme et le communautarisme.

Dans la foulée d'un passage sur France 5 le 16 février, des milliers de messages antisémites, homophobes, racistes et misogynes ont refait surface, publiés pendant plusieurs années par Mehdi Meklat sous le pseudonyme de "Marcelin Deschamps".

Ce jeune homme brillant, 24 ans, né à Clichy (Hauts-de-Seine), est devenu chroniqueur au Bondy Blog puis sur France Inter, aux Inrocks et sur Arte en compagnie de son ami Badroudine Saïd Abdallah - dit Badrou -, avec qui il a publié deux livres, dont "Minute" (Seuil).

Le week-end dernier, il a effacé plus de 40.000 tweets et présenté ses "plus sincères excuses" pour ce qui relevait selon lui d'une provocation délibérée, au titre d'un "personnage fictif" qu'il "exècre" pour ses "insanités".

La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a annoncé son intention de signaler au parquet ces tweets "d'une radicalité inouïe", et le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a réclamé lors de son dîner annuel, devant François Hollande, une "action judiciaire" contre le chroniqueur.

Les médias qui l'ont accueilli comme chroniqueur ou soutenu, des Inrocks à Libération en passant par le Bondy Blog, ont eux aussi condamné ces tweets, sans parvenir à dissimuler un certain embarras ni à éteindre la polémique.

- "Complaisance et impunité" -

"Par un mécanisme finalement à la fois néocolonialiste et paternaliste, cette presse a trouvé dans la surexposition" de Mehdi et Badrou "le moyen de s'acheter une bonne conduite sinon une bonne conscience d'époque", a tranché dans une tribune au Figaro Vox le politologue Laurent Bouvet, pilier du Printemps républicain, tenant d'une ligne ferme en matière de laïcité.

Même constat chez le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Gilles Clavreul. "La défense de Mehdi Meklat apparaît bien lâche, mais moins lâche quand même que celle de ses employeurs, qui lui ont tout passé pendant plusieurs années et n'entament pas l'amorce d'une autocritique", confie-t-il à l'AFP.

"Une partie de l'intelligentsia de gauche considère que les bêtises d'un enfant turbulent, pourvu qu'il vienne de l'immigration, ne sont pas graves", regrette ce préfet pour qui "ce qui fait tourner le Front national, c'est précisément la complaisance et l'impunité".

Bruno Retailleau, proche de François Fillon, n'a pas manqué de dénoncer dans un communiqué "un islamo-gauchisme des beaux quartiers, qui vit bien à l'abri des difficultés quotidiennes des Français, mais qui affiche une complaisance insupportable avec les prêcheurs de la haine antifrançaise".

Chouchou devenu paria, Mehdi Meklat n'a plus de soutiens. "Ceux qui veulent tempérer le lynchage sont renvoyés à leur aveuglement envers la jeunesse musulmane (...). S'il s'agissait d'un identitaire, d'un militant Front national, aurais-je tant de scrupule? L'argument porte", reconnaît sur Slate l'essayiste Claude Askolovitch.

Honni à droite et dans le camp de la gauche laïque, le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) estime lui aussi que les tweets de Mehdi Meklat "sont à condamner, sans aucune discussion". Mais il pointe des indignations à géométrie variable.

"Puisqu'on en est à prendre la mesure de discours racistes, faisons-le, mais pas de manière sélective: il faut faire la même chose quand ils proviennent d'une ministre", souligne son directeur Marwan Muhammad. Allusion à la phrase de Laurence Rossignol sur les "nègres américains qui étaient pour l'esclavage".

"Une gauche qui se revendique laïque et la +fachosphère+, dès qu'il faut taper sur Mediapart ou le Bondy Blog, vont se retrouver dans une convergence directe. Il y a plus que de l'indignation antiraciste là-dedans", accuse le responsable associatif.

L'"antiracisme communautaire" porté par le CCIF "est le contraire même de l'antiracisme" universaliste, "de la laïcité et des valeurs de la République", rétorque le président de la Licra, Alain Jakubowicz. Qui s'inquiète: "Des Mehdi Meklat, malheureusement, dans nos cités et nos banlieues, il y en a un certain nombre".

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