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Discover, fragile laboratoire de l'information à destination des plus jeunes

Le réseau social Snapchat vient de fêter le premier anniversaire de la version française de sa composante Discover, un kiosque à journaux virtuel misant sur des textes courts et beaucoup d'images: un réel succès chez les adolescents, mais un modèle économique encore balbutiant.

Douze titres de presse français, contre huit lors du lancement à la mi-septembre 2016, publient désormais sur Discover des "stories" : des pages interactives à durée de vie limitée, aux textes incisifs, accompagnés d'images et de vidéos entrecoupés de publicités. De l'info gratuite taillée pour les "millenials" nés à l'orée du XXIe siècle.

Snapchat (8 millions d'utilisateurs affichés en France) "nous permet de toucher des jeunes qui +ne nous calculaient pas avant+", confirme Guillaume Dubois, directeur de la rédaction de L'Express, qui a rejoint la plateforme fin juin avec trois autres médias (MTV, Vogue, Society).

"80% de nos lecteurs y ont moins de 24 ans, soit bien en-dessous de notre lectorat papier. Cela crée un lien avec de futurs lecteurs", estime-t-il, revendiquant 100.000 lectures par "story".

Discover séduit les rédactions avec sa possibilité de développer des contenus adaptés aux écrans verticaux des smartphones, nécessitant des compétences nouvelles telles les motion-designers (graphistes spécialistes de la vidéo et des animations).

"On expérimente des formats, on récupère des sujets du site du Monde pour les reformuler de façon plus pédagogique, mais il arrive aussi maintenant que l'on propose des contenus originaux", témoigne Jean-Guillaume Santi, responsable de l'équipe du Monde dédiée à cette application.

Certaines rédactions y développent une nouvelle interaction: les lecteurs de l'Équipe sur Discover ont ainsi récemment été sollicités pour dessiner la prochaine coiffure de l'excentrique footballeur Paul Pogba, souligne le responsable du pôle numérique du quotidien sportif, Emmanuel Alix.

- Fréquentation difficile à évaluer -

Tout cela a toutefois un coût et certains, comme Le Figaro, ont préféré renoncer: "Leur cœur de cible est trop jeune pour nous et leur modèle économique ne nous semble pas pérenne", explique Pascal Pouquet, DG de CCM Benchmark, qui rassemble plusieurs titres du groupe Le Figaro. "De plus, nous développons nos propres +stories+ sur notre application".

Malgré l'intérêt de plusieurs médias, la rentabilité de Discover pose question.

"Être rentable est le seul de nos trois objectifs que nous n'avons pas atteint cette année", souligne-t-on à L’Équipe. Chaque "story" du journal génère entre 400.000 et 500.000 lectures, ce qui en ferait l'un des plus lus de l'application, même si aucun chiffre n'est officiellement communiqué par Snapchat.

Les médias tirent des revenus en gérant directement la publicité dans leurs "stories" ou touchent un pourcentage quand cette publicité est proposée par Snapchat.

Pour Éric Delcroix, consultant indépendant spécialiste des réseaux sociaux, le modèle économique de Snapchat souffre du flou qui entoure la fréquentation du réseau: "Contrairement à Instagram, où chaque clic est comptabilisé, on a beaucoup de difficultés à évaluer les flux sur Snapchat. Cela pose problème aux annonceurs", relève-t-il.

Au printemps, la société de Los Angeles a annoncé que la fréquentation en France de Discover avait doublé depuis son lancement.

La confiance des investisseurs reste cependant limitée: depuis son introduction en bourse à Wall Street en mars 2017, le titre Snapchat a perdu la moitié de sa valeur. La croissance de ses utilisateurs - près de 173 millions quotidiens dans le monde selon la société - n'a atteint que 4% entre mars et juin 2017.

Le consultant Éric Delcroix ne croit toutefois pas à un déclin prochain de cette nouvelle façon de s'informer: "La consommation d'information sur Discover est très rapide. C'est une temporalité et une façon de communiquer qui s'adressent à des communautés différentes de celles d'Instagram ou d'autres réseaux sociaux comme Pinterest. C'est une vitrine vers l'information, que chacun est libre ensuite de creuser si cela l'intéresse. Et c'est comme ça que les nouvelles générations s'informent".

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