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Etats-Unis: le régulateur des télécoms consacre la neutralité d'internet

Le régulateur américain des télécoms (FCC) a adopté jeudi une nouvelle réglementation controversée visant à empêcher l'émergence d'un internet à deux vitesses, où certains services en ligne seraient privilégiés par rapport à d'autres.

Les commissaires de la FCC ont adopté par trois voix contre deux ces règles, qui interdisent notamment aux fournisseurs d'accès à internet de ralentir ou bloquer certains contenus ou services en ligne légaux, ou encore d'accorder une connexion plus rapide à certains d'entre eux moyennant finances.

Le régulateur tente ainsi de garantir la "neutralité" d'internet, un principe qui fait polémique aux Etats-Unis comme dans d'autres pays et qui repose sur un accès identique à la toile pour tous.

Une régulation précédente de la FCC à cet effet avait été annulée il y a un an par la justice suite à un recours du poids lourd de la téléphonie Verizon, et le nouveau projet a lui aussi provoqué d'intenses débats.

"Internet est l'outil ultime de la liberté d'expression" et il "est trop important pour permettre aux fournisseurs d'accès à haut débit de fixer les règles", a encore fait valoir avant le vote jeudi le président de la FCC, Tom Wheeler.

L'un des deux commissaires opposés au projet, Ajit Pai, a en revanche évoqué "un virage monumental vers un contrôle gouvernemental d'internet".

- 'Régulation antique' -

Les nouvelles règles s'appuient sur une reclassification de l'accès à internet à haut débit, qu'il soit fixe ou mobile, en tant que service public, au même titre que l'eau ou l'électricité.

La FCC estime en conséquence avoir le droit de surveiller les pratiques des fournisseurs d'accès en s'appuyant sur une législation sur les télécoms de 1934.

M. Wheeler a promis de ne pas utiliser toutes les dispositions prévues par cette loi, assurant notamment que la FCC ne tenterait pas d'encadrer les tarifs pratiqués.

Mais plusieurs fournisseurs d'accès comme AT&T, Verizon ou Comcast ont jugé que le recours à une législation si ancienne allait entraîner une régulation trop lourde, et plusieurs d'entre eux ont menacé de lancer de nouveaux recours judiciaires.

Les nouvelles règles "vont alourdir les services internet à haut débit avec des régulations mauvaises et antiques", conçues "à l'ère de la locomotive à vapeur et du télégraphe", a immédiatement critiqué Verizon dans un communiqué dont la première version a été diffusée en... morse avant de faire place à une autre version semblant avoir été tapée à la machine à écrire.

Le groupe reproche à la FCC de vouloir "changer la manière dont internet fonctionne depuis sa création", affirmant que c'est le peu de régulation ces dernières années qui a permis les investissements ayant conduit au déploiement des réseaux à haut débit.

Il met en garde contre "des conséquences négatives imprévues pour les consommateurs et diverses parties de l'écosystème d'internet".

L'opposition républicaine, qui pourrait tenter d'utiliser sa majorité au Congrès pour invalider les nouvelles règles, a aussi accusé la FCC d'avoir cédé aux pressions de la Maison Blanche, après un plaidoyer en novembre de Barack Obama en faveur d'un "internet libre et ouvert".

Le président américain s'est félicité jeudi de la décision de la FCC, estimant qu'elle "protègera l'innovation et créera des règles du jeu égales pour tous pour la prochaine génération d'entrepreneurs".

L'association sectorielle CCIA, qui compte parmi ses membres des géants technologiques comme Amazon, eBay, Facebook, Google ou Microsoft, a également évoqué "un jour historique".

"Les internautes ont des garanties qu'ils pourront continuer à accéder à toutes les applications, sites et services en ligne qui existent, de même qu'à ceux qui sont encore en développement dans le sous-sol de quelqu'un ou une chambrée" d'étudiants, a-t-elle commenté dans un communiqué.

"Cela veut dire qu'internet ne sera pas comme le service de câble (pour la télévision), où le fournisseur décide du forfait qu'on obtient et de ce qu'on peut voir", a renchéri Harold Feld, de l'association de défense des consommateurs Public Knowledge.

Erik Stallman, du Centre pour la démocratie et la technologie, a estimé pour sa part que la FCC préservait "le principe de non-discrimination qui a été essentiel à l'évolution d'internet, de même qu'à sa puissance comme moteur de croissance économique et de débat démocratique".

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