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Pikachu, peut-il aider les profs à motiver les élèves?

Après la fièvre estivale de Pokemon Go, professeurs et spécialistes de l'éducation s'interrogent sur l'utilisation de ce jeu dans la salle de classe. Pikachu, peut-il aider les profs à intéresser et motiver les élèves?

Cette application gratuite a débarqué cet été en France et a conquis, comme dans d'autres pays, des millions d'utilisateurs. Le principe est simple: attraper, grâce à son smartphone, des créatures virtuelles cachées dans le monde réel, que l'on voit sur son écran grâce à la technologie de la réalité augmentée.

L'Américaine Kathy Schrock, qui travaille depuis les années 90 sur l'utilisation d'internet par les enseignants, liste sur son blog (en anglais) les possibilités éducatives offertes par ce jeu phénomène.

Elle cite notamment la découverte par les élèves de leur environnement puisque les lieux choisis par le concepteur pour se procurer des accessoires ou envoyer combattre les animaux virtuels se trouvent souvent dans des sites remarquables.

L'Américaine évoque également la familiarisation avec les cartes et coordonnées GPS, emmagasinées par les joueurs lors de leur chasse aux Pokemon. Elle mentionne aussi l'interprétation et le traitement de données, ou le calcul, grâce au journal du jeu, qui enregistre automatiquement la date et l'heure des événements de la "chasse" (captures, combats).

Si ce jeu séduit des professeurs à l'affût de nouvelles pratiques pédagogiques, il provoque aussi quelques grincements de dents. "Cette histoire de Pokemon, c'est une impasse", estime Sylvain Connac, enseignant-chercheur à l'université Paul-Valéry de Montpellier et spécialiste des pédagogies nouvelles.

Comme le jeu de rôles canadien Classcraft, où les élèves sont des personnages et qui fait fureur dans les salles de classe à travers le monde, l'utilisation de Pokemon Go se base sur "la motivation extrinsèque", explique à l'AFP le chercheur. "Un peu à la manière des bons points d'antan, on introduit des +carottes+ pour inciter les élèves à travailler et rencontrer les savoirs", au risque de détruire l'appétit d'apprendre de beaucoup d'élèves.

- Sortir du jeu pour digérer les savoirs -

Or l'apprentissage "passe par une phase désagréable, pendant laquelle l'enfant réalise que ce qu'il sait n'est pas suffisant. Une phase de déséquilibre désagréable mais nécessaire car elle donne envie de compenser ce déséquilibre", ajoute-t-il. "On leurre les élèves en leur disant qu'on ne peut apprendre qu'en jouant".

Il cite Célestin Freinet, qui parle de "jeu haschich". "Ce qui est naturel pour l'enfant, ce n'est pas le jeu mais le travail", affirmait ce célèbre pédagogue, mort il y a 50 ans. Pour Sylvain Connac, plutôt que de "jouer", il faut donner du sens aux apprentissages. "Faire comprendre qu'apprendre les règles de grammaire sert à respecter les accords afin de ne pas passer pour un imbécile quand on communique avec quelqu'un".

Le jeu peut redonner confiance aux élèves en décrochage scolaire, mais il faut ensuite "l'enlever" pour que ces jeunes s'appuient sur le plaisir d'apprendre via l'effort, ajoute-t-il.

La tradition française, héritée d'Erasme, qui parle des jeux comme d'"appâts séduisants", voit dans le jeu une manipulation, déclare Eric Sanchez, professeur à l'université de Fribourg (Suisse). "On ne voit que la partie superficielle: c'est un jeu, donc ça va motiver les élèves".

Mais en Allemagne, l'héritage du pédagogue Friedrich Froebel (1782-1852) prête au jeu des propriétés éducatives intrinsèques, qui permettent aux élèves d'accepter et d'intégrer des règles, ajoute ce spécialiste des usages du jeu numérique dans l'éducation.

Pour que le jeu permette l'apprentissage, "il faut toutefois quitter le jeu: un moment clé pendant lequel le professeur amène les élèves à réfléchir sur ce qu'ils ont appris, une sorte de debriefing".

Que ce soit Pokemon Go, Word of Warcraft (dont s'inspire Classcraft) ou d'autres, les jeux font partie de l'univers actuel des jeunes. "Ce sont de nouveaux médias et il est très important que les jeunes reçoivent une éducation dans ce domaine, comme il y a une éducation à la presse ou à internet", souligne-t-il.

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