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Sur les droits sportifs, les géants de l'internet avancent encore à petits pas

Leur puissance financière fait saliver les ligues sportives, mais les géants américains de l'internet, Amazon, Facebook ou Google en tête, se font encore désirer dans les droits sportifs, préférant avancer à petits pas, en particulier sur le football, plutôt qu'investir massivement.

Une approche symbolisée par la première apparition du mastodonte du commerce en ligne Amazon sur la scène footballistique britannique: il a acquis le 8 juin un lot pour une petite vingtaine de matches, pour un montant qui, s'il n'a pas été communiqué, devrait être relativement limité.

"Ces lots avaient été invendus dans un premier temps. C'est une vraie opportunité pour Amazon qui s'est présentée pour mener une campagne de test auprès du public britannique, il y a une approche tactique de leur part", rappelle Nicolas Reffait, spécialiste médias au cabinet BearingPoint.

Le groupe américain diffuse déjà au Royaume-Uni plusieurs tournois de tennis de premier plan, dont Wimbledon ou l'US Open, aux droits de diffusion moins élevés que le football, alors que les téléspectateurs y sont prêts à payer beaucoup pour suivre les compétitions.

"Ils font preuve d'une certaine prudence en n'allant pas sur les plus gros lots. L'idée semble être de voir quel peut être l'impact sur les abonnements à leur service Prime, ils y vont pas à pas", commente Thomas Coudry, analyste médias pour Bryan Garnier.

Prime est un service d'Amazon qui permet de bénéficier de contenus numériques et livraisons gratuites pour leurs achats sur le site. Il est d'autant plus stratégique pour le groupe que les 100 millions d'abonnés qu'il revendique dans le monde dépensent en moyenne deux fois plus sur ses places de marché que les clients non-abonnés.

- Des droits trop locaux -

Cette prudence se retrouve sur l'ensemble des investissements des plateformes internet dans les droits sportifs: si Twitter diffuse aux Etats-Unis des matches de NFL, la ligue de football américain, ou Amazon du hockey sur glace avec la NHL, il s'agit rarement des lots les plus importants.

Car la structure des droits n'est guère encourageante pour les géants de l'internet, habitués à penser leur stratégie de manière mondiale et confrontés pour le sport à des ventes de licences exclusivement sur des marchés nationaux.

"Le cinéma et les séries ont un coût global, on dépense une fois et on peut toucher le monde entier potentiellement. A l'inverse, les droits sportifs sont locaux, c'est un modèle commercial totalement différent, qui permet moins d'économies d'échelle", précise M. Coudry.

Florence Le Borgne, responsable du secteur médias de l'Idate, estime d'ailleurs que "la volonté de ces acteurs, à terme, serait de pousser les détenteurs de droits à les proposer sur un territoire plus large que leur pays, ce serait plus intéressant pour eux".

D'autant que si la diffusion de sport représente le fonds de commerce de chaînes de télévision comme beIN Sport ou Sky, elle est avant tout pour les plateformes internet un moyen d'améliorer l'engagement de leur base d'utilisateurs vis-à-vis de leurs services.

"Le cœur de métier d’Amazon, c'est le e-commerce", rappelle Thomas Coudry, "Prime Video peut être vu comme un produit d'appel, ainsi le contenu vidéo peut être considéré comme un coût d'acquisition et de fidélisation (de clients). Mais il est alors difficile de justifier à ce titre des centaines de millions d’euros en droits sportifs."

"Amazon est obnubilé par sa croissance et peu habitué à tenter des choses qui ne feront pas grandir son activité principale. Tout ce qui entre dans le renforcement de Prime, via notamment un renforcement de l'offre vidéo, va dans ce sens", renchérit Nicolas Reffait.

Or les revenus supplémentaires générés par les abonnés Prime pourraient largement amortir des investissements importants nécessaires à la retransmission d'une saison complète de Premier League ou de Ligue 1.

Les ligues sportives de leur côté pourraient trouver un intérêt à développer d'autres types de services afin de générer de nouveaux types de revenus.

"Avec un acteur du commerce comme Amazon, pourquoi ne pas y associer le merchandising par exemple, afin de diversifier les sources de revenus? Et travailler avec ce type d'acteur, avec un abonnement bon marché, éviterait au football de voir son avenir suivre celui de la Formule 1 par exemple", qui a perdu son public à force de se vendre trop cher, avance Florence Le Borgne.

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