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Twitter teste les 280 caractères, la langue se délie

Les tweets en 280 caractères pourraient débrider une langue qui était jusqu'ici dans un carcan et attirer potentiellement un nouveau public, selon des spécialistes.

"Les 140 caractères étaient suffisants pour une phrase mais pas pour un raisonnement", a souligné à l'AFP le lexicographe Alain Rey. "Le syllogisme (raisonnement logique) le plus articulé d'Aristote tient en 280 caractères, pas en 140", a souligné l'auteur du Dictionnaire historique de la langue française.

La possibilité de tweeter en 280 caractères (une cinquantaine de mots), limitée pour l'instant à un petit club d'élus, "va permettre une expression plus correcte", a également souligné Alain Rey. "Twitter a en tête les tranches les plus âgées qui reculaient devant cette expression limitée à 140 signes".

Le site veut élargir le nombre de ses abonnés, qui stagne, et devenir plus attractif pour les annonceurs. Twitter veut notamment attirer toujours plus de dirigeants d'entreprise, pour leur communication interne ou pour parler à leurs clients, avait déclaré mardi son directeur en France, Damien Viel, à la presse.

L'allongement ne concerne cependant que les messages en alphabet latin, car c'est surtout en anglais, espagnol, portugais ou français que la limite de 140 caractères pose des problèmes aux utilisateurs, contrairement à ceux qui tweetent en japonais, coréen ou chinois.

"Le décompte par caractère n'était inégalitaire que pour un type d'écriture, la plus répandue et la plus coûteuse en caractères: l'écriture alphabétique", a expliqué Alain Rey. "Les écritures idéographiques expriment en un signe l'équivalent de 5 à 10 lettres".

- simplicité ou bavardage -

Depuis les débuts de Twitter en 2006, la rumeur d'un allongement des tweets revenait régulièrement, et le site avait déjà fait évoluer cette limitation en ne comptabilisant plus les liens hypertexte dans le nombre de caractères. Les utilisateurs avaient aussi pris l'habitude de multiplier des abréviations et de saucissonner l'information en plusieurs tweets.

Et si toutes les langues sont tiraillées "entre des besoins d'économie et de précision", a souligné Alain Rey, elles ne sont pas égales face au tweet. "Les Américains ont une grande habitude des abréviations, tandis que les Allemands sont encore plus pénalisés que les Français".

En annonçant ce test mardi, Twitter ("gazouilleur", en anglais) a relancé ce débat virulent: le royaume des infos urgentes, aphorismes, bourdes et réactions à l'emporte-pièce avait pour qualité première son extrême brièveté, selon de nombreux utilisateurs.

"La simplicité fait partie de l'âme de Twitter autant que de la Citroën 2CV", a souligne David Fayon, coauteur du livre "Facebook, Twitter et les autres". "Mais cette extension à 280 caractères peut calmer certaines frustrations".

"Twitter veut aller au-delà de sa clientèle habituelle. Pour les communicants, les pros du marketing ou les journalistes, ça peut être un plus", a souligné David Fayon.

D'autres utilisateurs attendaient cependant d'autres réformes de la part de Twitter. Certains désiraient plus de censure sur le réseau social, qui se voit fréquemment reprocher la violence des propos de certains de ses utilisateurs.

"Très prochainement les utilisateurs du réseau social pourront s'insulter et se harceler en 280 caractères", a tweeté mercredi le site parodique Le Gorafi. D'autres exigeaient un bouton qui permette de retoucher les tweets déjà envoyés.

Après avoir annoncé ce test mardi soir, le cofondateur du site Jack Dorsey a demandé dans un tweet qu'on laisse "un peu de temps" à ses équipes "pour apprendre et valider (ou transformer!) (leurs) idées". Pour Alain Rey, si "le carcan se desserre", il y a aussi avec cette inflation de caractères "un risque de ne lire que du bavardage creux".

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