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Doit-on ouvrir des salles de consommation de drogues? Benoît, un toxicomane, témoigne: "C'est choquant quand on tombe sur quelqu'un qui fait ça"

En France, les villes de Paris et Strasbourg ont franchi le pas. Elles ont ouvert des salles de consommation à moindre risque à destination des toxicomanes. Chez nous, la ville de Liège en réclame une depuis de nombreuses années et Bruxelles a emboîté le pas. Mais le gouvernement fédéral ne veut pas modifier la législation qui permettrait l’ouverture de ce type de salle. Un reportage de Frédéric Moray pour Bel RTL.

Depuis plusieurs années, la Ville de Liège espère pouvoir ouvrir une salle de consommation de drogues. L'objectif est d'encadrer les toxicomanes mais également de recréer un lien avec eux. Cependant, le gouvernement fédéral refuse de modifier la loi pour l'autoriser.


Comment fonctionne ce type de salles? Quels sont les avantages et les inconvénients?

Le principe est d’accueillir des toxicomanes dans un lieu approprié où ils peuvent consommer leur propre produit, sous le contrôle d’un encadrement médical et social spécialisé. L’intérêt est de recréer du lien avec ces personnes souvent isolées, et de les amener progressivement à abandonner leur consommation. C’est aussi une façon de libérer l’espace public de personnes qui posent généralement des problèmes de salubrité publique, mais aussi d’insécurité.

"A la place de le consommer sur l'espace public, ça leur permet d'entrer en contact avec des professionnels, ça leur permet de mettre un pied dans le réseau d'aides et de soins spécialisés", explique Laurent Maisse, chef de projet au sein du Plan de Prévention de la ville de Liège, au micro de Frédéric Moray.


Le témoignage de Benoît

Benoît est toxicomane. Il explique, en tant qu'usager potentiel, l'intérêt pour lui d'une telle infrastructure. "Je trouve que c'est une bonne chose pour les usagers qui n'ont pas de logement. Il y a peu de temps, j'ai travaillé comme balayeur de rue. J'ai trouvé des seringues usagées dans les parcs, sur les trottoirs et dans les rigoles. Donc pour les enfants je trouve que les salles sont une bonne chose. Malgré que j'étais à la rue, je faisais attention de ne pas laisser traîner mes crasses mais il y a toujours des fois où on oublie et où il y a quelque chose qui tombe", avoue Benoît.

"Quand il fait froid comme ça, c'est d'autant mieux pour ceux qui se shootent de faire ça au chaud car quand il fait froid, les veines ont tendance à rentrer. Donc c'est mieux pour ça et pour que ce soit un peu caché du public car c'est choquant quand on tombe sur quelqu'un qui fait ça", confie l'homme.

Le rôle social de l'encadrement qui serait proposé, serait également utile. "Des travailleurs sociaux seront là aussi pour écouter leurs demandes et pour y répondre et amener peut-être ces personnes à intégrer une trajectoire de soins", explique Joëlle Kempeners, responsable du comptoir d'échange des seringues Accueil-Drogues à Liège.


"Le gouvernement fédéral veut mener des recherches"

Les gouvernements wallon et bruxellois ne s’opposent plus à l’arrivée de ces salles. Mais le gouvernement fédéral refuse le changement législatif nécessaire. Pour Fedito, qui regroupe 26 associations spécialisées dans les assuétudes, le gouvernement fédéral actuel choisit donc de ne pas agir, si ce n'est en sollicitant une étude supplémentaire sur la question. Notamment de la loi du 24 février 1921, qui empêche le développement de dispositifs de santé comme les salles de consommation à moindre risque.

"Le gouvernement fédéral veut encore mener des recherches qui ont éventuellement comme risque de ralentir le développement de salles de consommation à moindre risque et de le repousser à la prochaine législature", détaille Sébastien Alexandre, directeur de Fedito Bruxelles.


"C'est un scandale"

Selon les professionnels du secteur, ces recherches sont injustifiées car le dispositif a déjà fait ses preuves dans de nombreux pays à travers le monde. En France, la première salle de consommation à moindre risque a ouvert ses portes le 17 octobre dernier à Paris, ce qui en fait le dixième pays à expérimenter ce dispositif. L'Espagne, l'Allemagne, la Suisse, le Luxembourg, le Danemark ou encore les Pays-Bas ont déjà ouvert de telles salles.

Pour le directeur de Fedito Bruxelles, le refus du monde politique de modifier la législation pour pouvoir mettre en place ces salles de consommation est un scandale. "C'est un scandale de santé publique à partir du moment où on refuse de mettre en place des dispositifs qui se sont révélés pertinents de par le monde depuis 25 ou 30 ans. C'est un manque de courage politique d'après nous", précise encore le directeur.

Lancer une nouvelle recherche ne garantit pas un projet à long terme. "Sinon c'est ramener à la rue des personnes qui ont été accompagnées durant un certain temps. C'est les mettre à nouveau en danger de mort", ajoute Sébastien Alexandre.

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