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A l'hôpital, on écoute les enfants victimes de violences

Deux petits fauteuils, des jouets, des livres, une table et deux chaises, un tableau sur un mur jaune, deux caméras et de discrets micros au plafond: à l'hôpital de Pontoise, une salle a été aménagée pour auditionner les enfants victimes de violences.

Installée au sein de l'unité médico-judiciaire (UMJ) du centre hospitalier René-Dubos, cette salle est utilisée sur réquisition de la police, de la gendarmerie ou du procureur.

Depuis son ouverture à l'automne 2015, une quarantaine d'auditions y ont été menées, principalement d'enfants victimes de violences sexuelles, indique à l'AFP la responsable de l'UMJ, le médecin-légiste Céline Dumillard.

Des enfants témoins des faits peuvent aussi y être entendus.

Cette installation spécialement adaptée aux mineurs permet de réaliser dans un même lieu et dans un temps réduit auditions, examens médicaux et évaluations psychologiques nécessaires aux enquêtes, grâce à une équipe pluridisciplinaire, souligne le Dr Dumillard.

Les enfants sont entendus par un policier ou gendarme spécialement formé.

Dans une salle voisine, un autre enquêteur, médecins et psychologues regardent l'audition en direct sur un écran.

Ils peuvent faire des remarques à l'enquêteur qui mène l'audition, muni d'une oreillette. La retransmission permet aussi à l'équipe médicale de ne poser que des questions complémentaires pendant les examens qui suivront.

Les enquêteurs doivent donner à l'enfant "un espace de parole, sans suggérer" des réponses, souligne le Dr Dumillard. Pour décrire ce qu'il a subi, le petit peut utiliser des poupées garçon et fille, une marionnette ou dessiner.

"Quand les enfants arrivent chez nous, ils ont en général envie de parler", relève le Dr Frédéric Boursier, médecin légiste. "Ca peut être difficile, mais à un moment la parole se libère". Il est "important" que les intervenants leur disent: "on t'écoute, on t'entend".

L'audition est gravée sur DVD et pourra être utilisée tout au long de la procédure, jusqu'au procès.

- confrontation indirecte -

"La première parole de l'enfant est la plus proche de l'événement", elle ne risque donc pas être déformée par la répétition, souligne le Dr Dumillard. Ne pas avoir à redire les faits évite en outre à l'enfant de revivre un événement traumatisant.

L'unité dispose d'un service d'aide aux victimes, avec juristes et psychologues qui pourront assurer un suivi de l'enfant et de sa famille si ces derniers le désirent.

Il existe 56 installations de ce type en milieu hospitalier en France. Ces "unités d'accueil médico-judiciaire pédiatriques" (UAMJP) ont été développées depuis 1999 sous l'impulsion de l'association La Voix de l'Enfant, qui finance le matériel d'enregistrement et le mobilier.

Il y a "une douzaine de projets en cours", selon la présidente de l'association, Martine Brousse.

Certains hôpitaux les ont installées dans leurs services d'urgences pédiatriques ou encore en pédopsychiatrie.

L'objectif est que l'enfant soit auditionné dans un univers "sécurisant", conciliant "prise en compte de sa souffrance et besoins de l'enquête", souligne Mme Brousse.

L'association promeut par ailleurs l'installation dans les juridictions de "salles de confrontation indirecte".

Elles permettent aux mineurs d'être entendus, lorsque l'enquête nécessite une confrontation, à distance de leur agresseur présumé, par visioconférence. La première a ouvert au tribunal d'Angers en 2009, d'autres sont programmées à Orléans et Saint-Malo.

Dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, qui doit être annoncé par le gouvernement le 1er mars, Mme Brousse espère la création d'un groupe de travail visant à assurer la "pérennité" de ces dispositifs.

L'Observatoire national de l'Enfance en danger (Oned) avait en effet souligné en 2014 que plusieurs UAMJP étaient "en péril faute de financement".

La France manque de statistiques sur les violences faites aux enfants.

Une étude publiée en 2008 dans la revue britannique The Lancet estimait qu'environ 10% des moins de 15 ans résidant dans des pays à hauts revenus subiraient chaque année une forme de maltraitance (physique ou psychologique, négligence ...).

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