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A Tokyo, les étrangers invités à briser un tabou: manger de la baleine

Un quartier chic de Tokyo renommé pour sa gastronomie a décidé de rompre un tabou en encourageant activement les touristes étrangers en quête de sushi à goûter de la baleine.

Une trentaine de restaurants d'Ebisu, situé près du quartier commerçant et branché de Shibuya, participent à un festival gastronomique au cours duquel le chaland étranger est tout particulièrement invité à essayer cette chair blanche ou rouge aux allures de filet de boeuf.

"Avec tous ces visiteurs étrangers qui viennent désormais au Japon, nous voudrions montrer ce que nous pensons vraiment" de la consommation de ce mammifère marin, a expliqué la semaine dernière Takashi Furui, chef du comité exécutif du festival, au cours d'une conférence de presse d'ouverture.

L'archipel est devenu une destination touristique populaire sous l'effet de la baisse du cours du yen et de la perspective des jeux Olympiques de 2020. Un nombre record de 13,4 millions d'étrangers y a été accueilli en 2014, contre 10,4 millions en 2013. Une augmentation de 50% est en outre constatée depuis le début de cette année.

La consommation de baleine a une longue histoire au Japon, pays de pêcheurs où le cétacé a été chassé pendant des siècles mais où l'industrie baleinière n'a connu son essor qu'après la Seconde guerre mondiale, pour nourrir un pays affamé.

Au cours des récentes décennies, le Japon a contourné l'interdiction de la chasse à la baleine en utilisant l'exception qui autorise les prises à des fins scientifiques. Mais Tokyo n'a jamais fait un secret du fait que la viande de l'animal marin finissait souvent dans les assiettes. Sa consommation a néanmoins fortement diminué ces dernières années.

Le Japon considère que la population mondiale de ce mammifère, en particulier celle de la baleine de Minke, est suffisamment importante pour permettre une pêche durable, ce que contestent les défenseurs de la faune et les pays opposés à la chasse à la baleine.

- Le nom d'un dieu -

Parmi les participants à la conférence de presse annonçant la troisième édition de ce festival annuel - mais la première visant les étrangers - se trouvait Kazuo Yamamura, président de l'Association des baleiniers du Japon. "Si des visiteurs étrangers voient cet aliment servi dans des restaurants, j'espère qu'ils comprendront et se diront qu'une telle ressource peut être utilisée tant que les animaux ne sont pas en voie de disparition", a-t-il dit à l'AFP.

Les organisateurs expliquent aussi que le nom d'Ebisu est étroitement lié à la pêche, aux baleines et aux étrangers. Ebisu est un dieu de la pêche et l'une des sept divinités de la bonne fortune. Ce mot fait également référence à la baleine sous une forme déifiée. Il fut aussi utilisé par le passé pour parler des étrangers car il était d'usage de penser que les dieux de la fortune venaient de contrées éloignées.

"Je veux que les étrangers sachent que le mot Ebisu est en fait le nom d'un dieu", a déclaré M. Furui, "et que sa viande a bon goût".

Certains étrangers interrogés cette semaine à Ebisu se montraient réceptifs à l'idée de goûter la chair de baleine. "Cela ne me choque pas de manger toutes sortes de choses", confiait ainsi une touriste française, Agathe Lavielle. "Je pourrais essayer, oui, je pourrais..."

Mais globalement, peu de touristes semblaient vraiment convaincus. "Je ne pense pas que je ferais une telle chose, à moins de mourir de faim et de n'avoir rien d'autre à manger", a dit à l'AFP Betty Lidington, une Canadienne, près de la gare ferroviaire d'Ebisu.

"Je n'en veux pas vraiment, cela ne me manquera pas de ne jamais goûter de baleine", a renchéri son mari Bill.

D'autres raillaient la tentative de séduction déployée pour conquérir le coeur des touristes. "Sachant que je suis une de leurs cibles, cela ne me donnerait pas envie de venir à Ebisu", lançait ainsi Eric Johnnson, originaire de Seattle aux Etats-Unis. "Même si on me disait que cela a un goût fantastique, je ne voudrais pas essayer..."

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