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Attentats du 13 novembre: la recherche au secours des traumatisés

En frappant plusieurs centaines de victimes directes ou indirectes, les attentats du 13 novembre ont donné un coup d'accélérateur aux recherches pour améliorer la prise en charge du stress post-traumatique (SPT) dont un traitement innovant venu du Canada.

"Nous devions tout mettre en oeuvre pour apporter les meilleures réponses possibles aux victimes", a souligné Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui soutient un essai clinique ambitieux sur ce traitement.

Intitulé "Paris MEM" (Paris Mémoire Vive), l'essai compare les prises en charges habituelles des psychotraumatismes à un traitement mis au point par le professeur canadien Alain Brunet.

Pathologie de la mémoire, le SPT survient lorsque le cerveau, submergé de stimuli au moment de l'évènement traumatique, les reproduit ensuite à l'identique.

A la différence des souvenirs, ces pensées et images intrusives sont vécues au présent, sous forme de flash-back ou de cauchemars. On parle de trouble de stress post-traumatique lorsque ces symptômes durent au moins un mois.

Les prises en charge classiques incluent les antidépresseurs qui ont souvent des effets secondaires importants et diverses thérapies comportementales et cognitives destinées à réduire les comportements d'évitement et à remplacer les pensées et les émotions non désirées par d'autres.

Parmi les techniques en vogue figurent l'hypnose, et surtout la technique de désensibilisation dite EMDR (Eye Movement Desentization and Reprocessing) qui consiste à "reprogrammer" le cerveau par des mouvements oculaires.

Mais l'efficacité de certaines de ces techniques reste discutée par les experts qui évoquent un nombre important de rechutes.

C'est pourquoi l'AP-HP a décidé de tester la méthode canadienne de "blocage de la reconsolidation de la mémoire".

"La psychothérapie de soutien ne suffit pas. Il faut des techniques pour aider les patients à s'en sortir rapidement", souligne le Dr Dominique Januel, de l'établissement public de santé publique de Ville-Evrard (93) qui participe à l'expérimentation de la méthode Brunet, comme 14 autres centres en France, dont huit hôpitaux de l'AP-HP.

- Pensées intrusives -

Déjà testée avec succès au Canada, elle consiste à intervenir sur le souvenir émotionnel en utilisant le propanolol, médicament déjà commercialisé pour soigner la migraine et l'hypertension.

Une heure après avoir avalé son comprimé, le patient est invité à écrire le récit de son trauma, puis à le relire la semaine suivante et ce pendant six semaines à l'issue desquelles le souvenir traumatique s'estompe, comme le montre un premier petit essai clinique présenté lors d'un congrès aux Etats-Unis.

En France, l'étude Paris MEM, pilotée par le Pr Bruno Millet, psychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, portera sur 400 personnes au total touchées par les attentats de 2015 et 2016 (victimes, proches ou professionnels de santé et de sécurité impliqués).

Une cinquantaine ont déjà été recrutées, dont une dizaine a terminé le traitement, selon le Pr Millet qui s'est refusé à toute évaluation préliminaire de celui-ci.

Martin Hirsch fait pour sa part état d'une "amélioration spectaculaire" chez deux jeunes qui ont pu sortir du Bataclan alors que les terroristes étaient en train de recharger leurs armes.

De son côté, l'étude "Remember", menée par le neuropsychologue Francis Eustache à Caen, vise à mieux connaître les symptômes du SPT, à en mesurer l'évolution, et à comprendre pourquoi tout le monde ne réagit pas de la même façon.

"Face à un même trauma, des personnes vont développer des symptômes et d'autres pas, pour des raisons encore mal connues", explique-t-il.

Les quelque 200 participants, dont 120 rescapés et témoins directs des attentats du 13 novembre 2015, passent notamment une IRM qui mesure l'activité de leur cerveau pendant qu'ils effectuent un petit exercice consistant à repousser mentalement une image.

"Cette situation permet de mesurer au plus près les mécanismes" des images intrusives caractéristiques du SPT", explique le Pr Eustache.

L'étude fait partie d'une vaste enquête ("programme 13-11") coordonnée par le CNRS et l'Inserm, qui inclut un millier d'entretiens filmés avec des volontaires, touchés à des degrés divers par les attentats.

L'objectif n'est pas de soigner, mais les participants affirment ressortir "apaisés" des entretiens, souligne Denis Peschanski, historien au CNRS, co-directeur du programme.

"Participer à cette démarche scientifique, de connaissance, c'est pour eux une façon de passer du statut de victime à celui d'acteur, de commencer à donner du sens à quelque chose qui n'en a pas", ajoute le Pr Eustache.

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