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Au Pakistan, des régions entières vulnérables face au réchauffement climatique

Après des heures passées à travailler sur des chantiers par plus de 50°C à l'ombre dans l'une des villes les plus chaudes du Pakistan, c'est auprès d'un ventilateur artisanal actionné par un âne que Lakhmir Brahmani vient chercher un souffle de brise.

Selon une récente étude scientifique, une partie de l'Asie du sud pourrait voir son climat évoluer au point de devenir inhabitable d'ici la fin du siècle. Vu de la zone désertique de Sibi, dans la province du Baloutchistan, où le mercure a atteint 52,4 degrés cet été, une telle hypothèse ne semble pas relever de la science-fiction.

Seul recours contre la suffocation dans ces régions où l'électricité manque, des ânes qui font tourner sans fin de larges tentures pour fournir un peu de vent aux familles tandis qu'elles tentent de trouver le sommeil.

M. Brahmani rêve de transférer sa famille sous des cieux plus cléments, mais manque de moyens. "Comment pourrais-je me rendre à Quetta (la capitale provinciale) ou ailleurs alors que le coût d'un voyage aller est 10.000 roupies (95 USD), c'est-à-dire ce que je gagne à peine en un mois ?" soupire-t-il.

La chaleur humide extrême provoquée par le réchauffement climatique risque de rendre une partie de l'Asie du sud - où vit un cinquième de l'humanité - inhabitable d'ici la fin du siècle si rien n'est fait pour réduire les gaz à effet de serre, selon une étude parue le mois dernier dans la revue Science Advances.

"L'augmentation des températures et de l'humidité durant l'été pourrait atteindre des niveaux excédant la capacité de l'organisme humain à survivre sans protection", écrivent les chercheurs.

Les régions les plus durement touchées seraient probablement le nord de l'Inde, le Bangladesh et le sud du Pakistan où vivent au total 1,5 milliard de personnes, selon eux.

Le Pakistan est l'un des pays les plus vulnérables du monde au réchauffement climatique, souffrant d'une fonte de ses gigantesques glaciers himalayens et d'une forte pression sur ses ressources en eau, alors même que sa population est en pleine expansion.

- Enfer inhabitable -

"Chaque année, nous disons que la chaleur est insupportable, mais l'année suivante, quand elle augmente encore, nous oublions la chaleur de l'année précédente", souligne Mir Mohammad Luni, un paysan qui vit près de Sibi.

Pour échapper à la canicule, M. Luni s'efforce de terminer le maximum de tâches tôt le matin, avant de trouver refuge dans une cabane de broussailles qu'il asperge d'eau toutes les demi-heures pour la garder fraîche.

A midi, le marché prend des airs de ville-fantôme, ses boutiques fermées et ses habitants s'entassant dans les coins d'ombre ou auprès de points d'eau boueux.

Heureusement pour les citoyens de Sibi, sa proximité avec un désert au climat relativement sec garde son climat encore vivable, selon Mohammad Tahir Khan, directeur du service de météorologie du Baloutchistan.

Si l'air était un tant soit peu plus humide, la ville serait un "enfer" inhabitable, estime-t-il.

Plus à l'Est, les quelque 20 millions d'habitants de la mégalopole portuaire de Karachi suffoquent eux aussi.

En 2015, une vague de chaleur avait tué 1.200 personnes dans la ville, pour la plupart des SDF qui n'avaient accès ni à un abri ni à de l'eau potable.

Au pire de la canicule, alors que la température atteignait 45°C, les hôpitaux avaient été submergés par près de 80.000 personnes souffrant de coups de chaleur ou de déshydratation, selon des sources médicales.

- Un verre de thé brûlant -

Deux ans plus tard, les habitants estiment que les autorités ne font pas suffisamment pour prévenir une autre crise.

"Il faut éduquer les gens", souligne l'un d'entre eux, Shahid Habib, leur communiquer des informations simples comme quels vêtements porter et quelle quantité d'eau boire.

"De telles mesures préventives devraient être prises pour sauver des vies", note-t-il.

D'autres se plaignent que la mégalopole manque d'espaces verts pour absorber la chaleur.

"Nous devrions planter autant d'arbres que possible", suggère un habitant, Imran Hussaini.

A Sibi, le vendeur de thé Zafar Ali a une autre recette: un verre de thé brûlant, ce qui peut paraître paradoxal dans cette atmosphère de fournaise. Mais lui n'en démord pas: "La chaleur est plus forte que la chaleur", sourit Ali.

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