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Cannabis: le débat sur une légalisation relancé

En se prononçant lundi soir contre la "prohibition", Jean-Marie Le Guen a relancé le débat sur une éventuelle légalisation du cannabis, suscitant aussitôt des accusations de démagogie à droite, au moment où le gouvernement tente de renouer avec les jeunes, mais réveillant surtout de vieilles divisions à gauche.

"Le cannabis est une très mauvaise chose pour la santé publique, en particulier chez les jeunes. Mais la prohibition n'amène pas une diminution de la consommation", a déclaré M. Le Guen, à titre personnel.

En France, en 2014, 17 millions de personnes déclaraient avoir déjà pris du cannabis dans leur vie et 700.000 en consommaient quotidiennement, selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

Souhaitant que "le Parti socialiste ouvre un débat sur la fin de la prohibition du cannabis", M. Le Guen, médecin de profession, s'est prononcé pour "des levées d'interdiction très sélectives: pour les adultes, certainement pas pour les jeunes de moins de 21 ans", et pour un "usage privé".

"La position que Jean-Marie Le Guen a exprimée est personnelle", a souligné le Premier ministre Manuel Valls dans un entretien à Libération. "Qu’il y ait des débats, c’est normal… Mais j’ai la conviction, comme le président de la République, que toute société doit savoir fixer des interdits. Je crois que la consommation du cannabis, parce qu’elle a un impact sur la santé publique, doit en rester un", a-t-il tranché.

"Il n'y a pas de dépénalisation du cannabis en vue", a renchéri la ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem.

Au sein du gouvernement, M. Le Guen a reçu un soutien prudent de l'écologiste Jean-Vincent Placé, opposé à "une illégalité totale", mais pour qui ce n'est pas "le moment de revenir sur ce débat".

- "Vieilles lunes de gauche" -

La question avait déjà été soulevée à l'automne 2012, quand Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, avait rappelé à l'ordre le ministre de l'Education de l'époque Vincent Peillon, qui souhaitait un débat sur la dépénalisation.

Quelques mois plus tôt, l'exécutif avait rappelé son opposition sur le sujet, après une prise de position de l'écologiste Cécile Duflot.

En octobre, le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, proche de François Hollande, avait remis la question sur le tapis. Regrettant "un empêchement à avoir des débats intelligents dans ce pays", cet élu de Seine-Saint-Denis a taclé mardi auprès de l'AFP ceux pour lesquels "il n'y a aucun problème de dealer, d'argent sale, de connexion entre argent sale et terrorisme, de consommation avec des qualités qui se dégradent".

"Il y a aujourd'hui des sensibilités différentes au sein du PS", a reconnu auprès de l'AFP Corinne Narassiguin, porte-parole du PS. "Manuel Valls est absolument contre, beaucoup de gens considèrent qu'il faut garder cette approche très sécuritaire, d'autres sont sur des positions beaucoup plus ouvertes".

La droite a aussitôt accusé le gouvernement de démagogie, au lendemain de mesures en faveur des jeunes et sur fond de mobilisation étudiante contre le projet de loi travail.

"Comme par hasard, le même jour, en direction des jeunes, d'un côté 500 millions, de l'autre, regardez, on est ouvert, on est sympa, on propose un débat sur la dépénalisation du cannabis. C'est juste pas sérieux", a dénoncé Benoist Apparu (Les Républicains).

"Ces temps-ci, j'ai un peu l'impression qu'on assiste à tout le retour des vieilles lunes de gauche. Est-ce que c'est la façon de répondre aux attentes des jeunes?", s'est interrogé Laurent Wauquiez (LR). "Je pense surtout que la légalisation du cannabis serait un signal extrêmement laxiste envoyé à la jeunesse", a estimé François Fillon (LR).

"Le gouvernement tente toutes les promesses et les sorties possibles pour calmer" la colère des jeunes, a lancé aussi le Front national.

Accusations rejetées par la ministre du Travail Myriam El Khomri, pour qui les propos de M. Le Guen n'ont "strictement rien à voir avec (sa) loi ni par rapport au contexte".

"Qu'on s'interroge sur l'efficacité de notre politique pénale, c'est tout à fait normal et tout le monde le fait, l'ensemble des ministères concernés (...) Mais personne n'est en mesure de dire aujourd'hui quelle est la bonne réponse", confiait-on à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA).

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