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Climat: le père du 2°C place son espoir dans la jeunesse

Climatologue de renom, père du concept de la limite de 2°C, l'Allemand Hans Joachim Schellnhuber avoue que parfois il désespère, mais il veut croire que la jeunesse et l'instinct humain auront in fine raison de ce réchauffement planétaire sans précédent.

Présent à Bonn à la 23e conférence climat de l'ONU (COP23), le directeur du Postdam Institute for Climate Impact Research était déjà à la COP1 à Berlin en 1995. En 20 ans il a vu la mobilisation internationale décoller, mais les dérèglements s'intensifier.

"Le temps ne joue pas en notre faveur," souligne-t-il.

"Parfois je désespère. Vous vous levez le matin et vous vous sentez vraiment déprimé. Puis vous ouvrez votre ordinateur, vous regardez les nouvelles, et vous trouvez quelque chose qui vous redonne de l'espoir", dit-il posément. "Tant qu'il y a de l'espoir, il est de notre responsabilité d'expliquer encore et encore".

A la COP23, il est venu présenter les dernières recherches, et appeler son pays, hôte d'une COP présidée par les îles Fidji, à abandonner le charbon, énergie la plus nocive pour l'atmosphère.

La communauté internationale s'est fixé à Paris en 2015 l'objectif de rester bien en dessous de 2°C de réchauffement par rapport au début de l'industrialisation, sous peine d'impacts irréversibles.

Hans Joachim Schellnhuber a conçu cette estimation de 2°C, concrète, dont les politiques peuvent se saisir facilement.

Le physicien de 67 ans a particulièrement saisi l'ampleur de la crise en 2008, en identifiant l'existence de "points de bascule", changements soudains intervenant une fois une certaine température franchie.

"Mon moment (+Oh non!+) a été quand j'ai réalisé que la machinerie planétaire - moussons, circulation océanique, écosystèmes... – ne fonctionnait pas de manière linéaire: vous avez de nombreux points de non-retour".

"Prenez l'Antarctique", poursuit-il: "Si la barrière de glace est détruite, la glace arrive dans la mer. C'est comme déboucher une bouteille. En Antarctique il y a probablement une trentaine de ces +bouteilles+, et on est en train de les déboucher les unes après les autres".

- Passeport pour les réfugiés -

Pourra-t-on tenir les 2°C quand les émissions de gaz à effet de serre continuent à croître?

"Bien que le défi soit énorme, je pense que oui, si nous faisons tout notre possible. (Une étude récente) montre qu'on peut réduire un tiers des émissions en gérant mieux forêts et agriculture", dit-il.

Mais pour rester sous 1,5°C, revendication des petites îles incluse dans l'accord de Paris, "il faudrait recourir à des actions hasardeuses pouvant tuer le patient au lieu de le soigner".

"Alors que faire pour les îles? Il est scandaleux de voir des nations entières disparaître", dit le professeur Schellnhuber, venu à la COP avec une idée.

"Nous pourrions nous assurer que si les îles doivent être évacuées, les pays auront l'obligation d'accueillir les habitants", dit-il. "Cela a existé dans les années 20 avec le +passeport Nansen+" accordé à des apatrides et reconnu par 52 Etats. "Chagall en reçut un. Cela a enrichi la culture française!"

Pour lui, le monde finira par agir plus fortement contre le réchauffement.

"C'est ma théorie du +3D+: désastres, découvertes, décence. Les gens auront peur, car des désastres naturels vont se profiler. Et il y aura des découvertes, comme aujourd'hui la révolution photovoltaïque, et d'autres, comme le bois +high tech+ pour remplacer le ciment", très émetteur.

"Enfin, la décence, l'instinct humain élémentaire: nous ne voulons pas la fin des îles Marshall, nous ne voulons pas tuer nos descendants!"

Après la Seconde guerre mondiale, "nous avons choisi le mauvais modèle pour une vie heureuse: confort, consommation... Mais ce mode de vie ne nous rend pas plus heureux", souligne ce membre de l'Académie pontificale des sciences, qui présenta en 2015 à Rome l'encyclique papale "Laudato si" sur l'environnement.

"Mon espoir est que la jeunesse a envie de casser ce modèle. Mon fils a 9 ans. Je suis sûr qu'à 15 ans il ne priera pas le Dieu de la croissance du PIB! Je pense que nous pouvons espérer que les prochaines générations, pour qui nous essayons de préserver le climat, contribueront elles aussi à le sauver".

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