Accueil Actu

Climat: pour le pionnier Claude Lorius, la solidarité seule voie de salut

Les glaces de l'Antarctique lui ont permis une découverte fondamentale sur le climat. Trente ans plus tard, le glaciologue Claude Lorius, 83 ans, est revenu sur cette terre extrême, y constater les bouleversements déjà à l'oeuvre.

"Ca se passe comme prévu", souligne d'une voix douce ce pionnier de la climatologie, qui a refait le voyage pour la caméra du cinéaste Luc Jacquet. "Dans la région côtière, la glace s'est étirée", explique-t-il à l'AFP. "Et maintenant il faut prendre un parapluie!" Désormais, il pleut en Antarctique.

"La glace et le ciel" sortira au cinéma le 22 octobre, quelques semaines avant la conférence climat de Paris, pour retracer l'épopée qui conduisit Claude Lorius, un peu par hasard, à établir le lien entre gaz à effet de serre et réchauffement climatique.

Car quand le jeune homme répond en 1955 à une annonce pour une mission polaire, il ne se doute pas de la suite.

"Je suis parti pour l'aventure. Puis tout s'est enchaîné", raconte-t-il à l'AFP.

Dès 1959, il contribue à montrer que la glace permet de reconstituer les températures du passé, via la composition isotopique de l'eau.

En 1965 surtout, la réaction d'un glaçon dans un verre de whisky le met sur une piste: la glace contient des bulles, autant d'échantillons d'atmosphère! La glace devient le livre ouvert des climats passés "et des impacts de l'homme sur la vie de la planète".

"On y trouve même, au pôle sud, les traces des retombées des essais nucléaires français!," souligne le chercheur, qui, dans la grande tradition de Paul-Emile Victor, mènera 22 expéditions, pour des carottages toujours plus profonds permettant de remonter 40.000 puis 150.000 ans d'histoire du climat!

Des années d'analyses lui permettront enfin de publier en 1987 dans Nature, avec Jean Jouzel, un article établissant pour la première fois le lien entre températures et teneur en gaz à effet de serre sur 150.000 ans. Une découverte qui contribuera à lancer le Giec, le groupe des experts de l'Onu sur le climat.

- Révélation -

"Cela fait 30 ans! Après avoir eu beaucoup de vents contre nous, on a l'impression que le monde comprend enfin qu'on va dans le mur", dit aujourd'hui le frêle chercheur. "Mais la mise en route des solutions, c'est autre chose", ajoute-t-il, inquiet pour les pays du sud, "très menacés" par le réchauffement planétaire.

Il aime rappeler que dans les années 50, les Etats ont su oublier la Guerre froide pour signer le traité de l'Antarctique. Qu'il partagea une année au pôle avec un Russe et un Américain, "apprenant la solidarité, seule façon de s'en sortir dans de vitales difficultés".

"C'est une des choses dont je suis le plus fier", dit-il. "Aujourd'hui, je ne sais pas si on va arriver à être tous solidaires autour de ce réchauffement".

Pour Luc Jacquet, il faut raconter l'histoire de ces chercheurs qui ont mis en garde l'humanité "à une époque où l'on pensait avoir un crédit ouvert sur la Terre".

"Et non seulement ils nous ont alertés, mais ils l'ont prouvé. Dans un contexte où certains essaient encore de créer du doute, je voulais montrer ce qui a produit ce savoir: d'abord le hasard! Puis l'intuition, les rencontres, la solidarité".

"Parti pour une aventure", Claude Lorius "est arrivé à une révélation qui nous concerne tous", souligne le chercheur Jérôme Chappellaz, qui lui a succédé au Laboratoire de Géophysique et Glaciologie de Grenoble. "Il faut que chacun s'approprie cette part d'histoire".

Aujourd'hui, M. Chappellaz travaille à affiner les bases posées par son prédécesseur, cherchant notamment une glace de plus d'1 million d'années qui permettra des projections plus fines. "Mais fondamentalement, le message reste inchangé: il faut réduire les gaz à effet de serre, car il fait toujours plus chaud".

Lui, Lorius, Jouzel... tous participent ainsi au projet grand public sur le climat lancé par l'association de Luc Jacquet: un site internet (laglaceetleciel.com) et son programme pédagogique, deux expéditions qui emmèneront des adolescents, mais aussi l'installation depuis cette semaine à Paris d'un "lab" ouvert aux scientifiques, artistes, enseignants...

À la une

Sélectionné pour vous