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Climat: quand l'euphorie cède la place à la fébrilité

Le premier test est arrivé plus vite que prévu. La lutte contre le réchauffement, objet d'un accord mondial historique en décembre 2015, se retrouve, un an après, menacée par l'inconnue Trump.

Les bonnes nouvelles ont pourtant rythmée l'année 2016, du pacte pour éliminer les gaz HFC aux résolutions du transport aérien pour limiter ses émissions carbone, tandis que l'accord de Paris entrait en vigueur en un temps record, ratifié par 117 États.

Mais l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche, en pleine conférence annuelle de l'ONU (COP22) au Maroc, est venue doucher l'enthousiasme des défenseurs du climat.

- L'inconnue Trump -

"Nous sommes dans l'attente", résume Thomas Spencer, de l'Institut des relations internationales (Iddri), basé à Paris: "Quelle sera la vraie politique de la présidence Trump? Comment vont réagir les autres puissances?"

Les Etats-Unis, deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre (14-15% des émissions globales) derrière la Chine, ne vont pas forcément se retirer de l'accord de Paris. Mais le président, habitué pendant sa campagne des sorties anti-climat et positions pro-dérégulation, peut freiner une mise en œuvre déjà complexe, qui implique de se détourner du charbon, du pétrole et du gaz, source de 80% du réchauffement.

Difficile d'ignorer que le gouvernement en cours de formation à Washington est saturé de "gens ayant passé leur vie adulte à forer ou à promouvoir les énergies fossiles," note l'éditorialiste du New York Times Thomas Friedman.

Nommé au département d'Etat, Rex Tillerson a travaillé 40 ans pour le géant pétrolier ExxonMobil. Et l'homme est proche d'une Russie qui ne compte pas ratifier l'accord de Paris avant 2019 ou 2020 comme l'a indiqué un conseiller du Kremlin.

Les scientifiques américains voient déjà les nuages arriver: menaces sur les fonds climat de la Nasa, enquête sur les chercheurs...

Quid aussi des engagements financiers pris à Paris à l'égard des pays les plus pauvres, dont le développement doit passer par des énergies propres si la planète veut rester vivable?

Cette élection "ne sera peut-être pas +un désastre+, mais elle va forcément ralentir le processus", estime Michael Oppenheimer, professeur à Princeton (New Jersey), spécialiste de politique énergétique.

Donald Trump ne pourra pas contredire un marché qui voit le charbon décliner au profit du gaz, ou le coût des énergies renouvelables s'effondrer. Se détourner de la transition énergétique priverait les Etats-Unis d'opportunités, soulignent les experts.

Il pourrait en revanche revenir sur certaines aides visant à soutenir la loi Obama sur la pollution de l'air. Ou prêter une oreille plus attentive aux constructeurs automobiles souhaitant un assouplissement les normes d'émissions.

- "Un test fascinant" -

Ce ralentissement attendu "fera aussi hésiter d'autres pays", prévient M. Oppenheimer, qui pense à l'Inde, quatrième émetteur mondial, "encore ambivalent sur l'importance" de l'effort à fournir contre le réchauffement.

"C'est un test fascinant", souligne Thomas Spencer. "L'accord de Paris sert-il à quelque chose? Peut-il stabiliser l'action quand le contexte est moins favorable? Les signaux envoyés par la Chine et l'Inde montrent qu'elles y tiennent", notamment en raison de leurs intérêts particuliers (lutte contre la pollution, pari de l'innovation etc), ajoute l'expert.

Mais qui peut désormais donner l'impulsion dans ces fragiles et longues négociations internationales? Certains voient l'Allemande Angela Merkel. D'autres attendent le prochain G20 comme le rendez-vous clé.

A la COP22, en novembre, la communauté internationale a en tout cas réaffirmé son engagement pour le climat, dans une "déclaration de Marrakech".

L'unité géopolitique est intacte, insiste Pascal Canfin, directeur du WWF France. En même temps, regrette-t-il, "toute l'énergie politique de la COP22 a servi à résister au potentiel bouleversement" américain et n'a pas permis de renforcer les engagements.

Or le monde doit passer à la vitesse supérieure s'il veut contenir le réchauffement sous +2°C depuis l'époque pré-industrielle: à ce stade, les plans nationaux emmènent la planète vers +3°C, une hausse synonyme de dérèglements massifs.

La concentration de CO2 dans l'air atteint un niveau record, même si, grâce à la Chine, les émissions issues des énergies fossiles ont été stables pour la troisième année. Et les scientifiques viennent de lancer l'alerte sur un boom inexpliqué du méthane, au pouvoir plus réchauffant que le CO2.

Températures records en Arctique, réactivité nouvelle de la calotte du Groenland ... les constats alarmants ont continué d'affluer de tous les points sensibles en 2016.

La marge d'action se réduit, car nous avons beaucoup attendu avant d'agir, résume Myles Allen, climatologue à l'université d'Oxford. "Et la Nature garde beaucoup de surprises en magasin".

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