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Comment se forment les bouchons: les phénomènes de la baignoire et du grain de sable

Classique des vacances, l'embouteillage sur les routes du soleil répond à une logique implacable, celle de la physique des flux que viennent perturber des "grains de sable" comme les accidents ou les ralentissements, expliquent des spécialistes des transports.

"Quand on regarde les courbes de trafic, on se rend compte que, d'une année à l'autre, on a du copier-coller", témoigne Christophe Dussaud, du Centre régional d'information et de coordination routières (Cricr) Rhône-Alpes-Auvergne en France.

Coincé dans son véhicule sur l'A7 entre Valence et Montélimar, pare-chocs contre pare-chocs avec le monospace d'une famille hollandaise, le vacancier exaspéré aura-t-il ce jour-là conscience qu'il expérimente in vivo la mécanique des fluides?

"La route, c'est comme une baignoire. Est-ce que le robinet déverse plus d'eau qu'il ne peut en sortir? Si tel est le cas, à un moment ça finit par déborder", explique dans une image Christine Buisson, chercheuse à l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar).


Régulation de vitesse

"La constitution du bouchon, c'est une demande qui dépasse une capacité. On a pour habitude de dire qu'une voie permet d'écouler 1.200 véhicules/heure. A partir d'un certain nombre de véhicules, on arrive à de la congestion", complète Christophe Dussaud.

Tout l'enjeu pour les exploitants est alors de retarder cette congestion grâce aux régulations de vitesse. Expérimentées dès 2004 en vallée du Rhône, elles sont mises en oeuvre à chaque gros week-end sur l'A7 et l'A9.

"Abaisser la vitesse maximale à 110 voire 90 permet d'avoir des flux plus homogènes. On apaise le trafic en évitant les changements de file qui créent les microperturbations propices aux bouchons", souligne Pascal Aubert, chef du département gestion de la route chez Vinci Autoroutes.

"C'est très efficace, on diminue les accidents de 30% et les bouchons de 20%", se félicite M. Aubert.

"Avec la régulation de vitesse, il y a plus de véhicules qui peuvent passer sur l'autoroute. En effet, les automobilistes utilisent mieux la voie de droite qui a tendance à être délaissée lorsque l'écart entre sa vitesse et celle de voie voisine est élevé", détaille Mme Buisson.

Le défi est alors de faire comprendre aux automobilistes qu'en roulant moins vite individuellement, ils arriveront plus vite collectivement à leur point de destination.

En théorie, le trafic pourrait être ralenti jusqu'à 70 km/h sur les autoroutes du sud de la France mais la mesure n'est que rarement mise en oeuvre car elle ferait fuir les clients des autoroutes vers le réseau secondaire.

Régulation d'accès et régulation d'itinéraire - les fameux itinéraires bis - sont d'autres moyens pour limiter les embouteillages.

"Reste qu'il y a un point où on va rentrer - c'est de la dynamique des fluides - dans un point de congestion et à partir de là, se créé le bouchon puis la congestion remonte, remonte...", note Christophe Dussaud.


Grain de sable

Ajouté à la densité du trafic, aux inévitables panne ou accident, et vous obtenez le "grain de sable" qui va transformer la route des vacances en chemin de croix.

"Quand on fait passer 5.000 véhicules/heure sur l'A7, ce qui est énorme, sur trois voies de circulation, le moindre grain de sable peut devenir problématique et générer un bouchon. Un véhicule qui s'arrête sur la bande d'arrêt d'urgence, c'est un bouchon de curiosité car les gens vont ralentir pour voir ce qui se passe. Et un ralentissement quand il y a 5.000 véhicules/heure qui circulent sur un axe, ça a des conséquences redoutables", avance M. Dussaud.

"En cas d'accident, il faut intervenir le plus vite possible. Si l'exploitant intervient en une heure, on aura un temps total perdu quatre fois supérieur à celui qu'on aurait s'il était intervenu une demie heure plus tôt car le bouchon concerne de plus en plus de véhicules et qu'il est deux fois plus long", explique Mme Buisson.

Y a-t-il plus ou moins d'embouteillages aujourd'hui qu'hier? Les avis divergent, mais ils restent "une constante", note Christophe Dussaud. "Le but des vacanciers est de partir coûte que coûte et quelque part ils savent aussi à quoi il s'attendent."

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