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Des astronomes ont observé un phénomène incroyable: il permet d'expliquer la présence d'or sur Terre

Pour la première fois, des scientifiques ont pu observer la fusion de deux étoiles à neutrons, un des secrets les mieux gardés de l'univers, véritable "feu d'artifice" dont l'observation a débutée par la détection d'ondes gravitationnelles. "Ce qui est merveilleux c'est que l'on a vu toute l'histoire se dérouler: on a vu les étoiles à neutrons se rapprocher, tourner de plus en vite l'une autour de l'autre, on a vu la collision, puis la matière, les débris envoyés partout", a expliqué à l'AFP Benoît Mours, directeur de recherche CNRS.

Cette observation inédite apporte des réponses à plusieurs "mystères" scientifiques. Non seulement les chercheurs en savent davantage sur la fusion violente des étoiles à neutrons, un phénomène encore jamais observé, mais ils ont résolu la question de l'origine de l'or sur Terre et ont pu calculer la vitesse de l'expansion de l'univers.


Une petite cuillère d'étoile à neutron équivaut au poids de 100.000 tours Eiffel

Le 17 août, pendant 100 secondes, des ondes gravitationnelles sont arrivées jusqu'aux détecteurs américains Ligo et européen Virgo, donnant l'alerte. Derrière ce signal, différent de ceux observés précédemment, deux étoiles à neutrons sur le point de fusionner. Dans les heures et les jours suivants, d'autres "messagers" arriveront de l'espace: des sursauts gamma, des rayons X, des rayonnements ultraviolets et infrarouges ou encore des ondes hertziennes.

"C'est une première d'observer un même phénomène cosmique avec des ondes gravitationnelles et de la lumière", s'est enthousiasmé Benoît Mours, responsable scientifique de la collaboration Virgo pour la France.

Les étoiles à neutrons sont les objets les plus denses du cosmos, d'une masse comprise entre 1,1 et 1,6 fois la masse du soleil. Si on pouvait remplir une petite cuillère avec de "l'étoile à neutrons", elle pèserait l'équivalent de 100.000 tours Eiffel.

Ces petits corps sont les vestiges d'étoiles plus grosses. En fin de vie, les étoiles très massives explosent violemment. Une fois cette explosion terminée (un phénomène que l'on appelle supernova), restent des objets extrêmement denses (des trous noirs ou des étoiles à neutrons).

L'or de votre alliance provient probablement d'une fusion d'étoiles à neutrons

Jusqu'à aujourd'hui, l'Univers nous avait caché son mode de fabrication des éléments lourds qui le composent, tel que l'or ou le plomb. Selon la théorie communément admise, après le Big Bang, il y a 14 milliards d'années, l'univers était rempli d'un gaz uniforme composé d'éléments légers comme l'hydrogène et l'hélium créés par cette gigantesque explosion.

Les éléments un peu plus lourds comme le fer, le carbone ou l'oxygène ont eux été fabriqués dans les noyaux d'étoiles. Mais pour les plus lourds ? "Pour la première fois, nous avons une preuve non équivoque d'une mine cosmique qui a forgé environ 10 masses terrestres d'éléments lourds tels que l'or, le platine et le néodyme", a expliqué Mansi Kasliwal de l'Institut de technologie de Californie.

Les scientifiques avaient déjà théorisé que la matière éjectée par la fusion de deux étoiles à neutrons ou l'explosion de supernova pouvaient être le siège de réactions nucléaires aboutissant à la formation de ces noyaux atomiques lourds, mais aucune de ces usines n'avaient encore été observée.

"L'or de votre alliance provient probablement d'une fusion d'étoiles à neutrons qui a eu lieu il y a cinq milliards d'années", a expliqué à l'AFP Patrick Sutton, responsable de l'équipe de physique gravitationnelle de l'université de Cardiff.


La mère de radiations mystérieuses

Une autre énigme résolue est celle de l'origine des rayons gamma courts. Les rayons gamma sont des photons très énergétiques produits notamment par des réactions nucléaires. Le cosmos en produit énormément, les scientifiques estiment qu'on pourrait en observer chaque jour.

1,7 seconde après la détection des ondes gravitationnelles captées par les détecteurs Ligo et Virgo, de rayons gamma courts ont été reçus par le télescope Fermi de la NASA. Cela ne peut être une coïncidence! La fusion des deux étoiles à neutrons émet donc des rayons gamma courts.

La simultanéité des deux réceptions prouvent également qu'il y a plus de 100 ans, Albert Einstein avait vu juste: les ondes gravitationnelles, la gravitation, se propage à la vitesse de la lumière. "Nous avons des ondes gravitationnelles et des sursauts gamma, assimilables à de la lumière, qui ont voyagé 130 millions d'années et ils arrivent avec moins de deux secondes d'écart", a expliqué Benoît Mours, directeur de recherche CNRS et responsable scientifique de la collaboration Virgo pour la France. "C'est spectaculaire!".


"Leurs champs magnétiques seraient fatals à quiconque s'approcherait"

Les étoiles observées en août allaient par deux. De la taille d'une ville comme Londres, elles tournoyaient l'une autour de l'autre dans la constellation de l'Hydre de l'hémisphère austral, à 130 millions d'années lumière, précise un communiqué du CNRS, membre de Virgo.

"Les étoiles à neutrons atteignent des températures extrêmement hautes, peut-être un million de degrés. Elles sont également très radioactives, leurs champs magnétiques sont incroyablement intenses et seraient fatals à quiconque s'approcherait", a expliqué Patrick Sutton, responsable de l'équipe de physique gravitationnelle de l'université de Cardiff. "Elles représentent sans doute l'environnement le plus hostile de l'univers".

De leur observation, les chercheurs ont pu définir une nouvelle façon de mesurer la vitesse de l'expansion de l'univers et ont pu confirmer que la gravitation se propage bel et bien à la vitesse de la lumière comme l'avait prédit Albert Einstein.

Ces observations apportent également une solution à l'énigme de l'origine des éléments les plus lourds de l'Univers comme le plomb, l'or ou le platine. Selon les études, ces fusions d'étoiles à neutrons sont des "usines à éléments lourds", du fait de l'abondance de neutrons.

Cette découverte fait l'objet de plus d'une dizaine d'études publiées lundi dans les plus prestigieuses revues scientifiques comme Nature et Science. Plusieurs conférences de presse simultanées avaient aussi lieu à Washington, Paris, Londres ou encore Berlin...


Un nouveau chapitre s'ouvre pour l'astronomie

La fusion des étoiles à neutrons avait été prédite par les modèles. C'est la nouvelle capacité des chercheurs à détecter les ondes gravitationnelles (depuis 2015) qui a permis d'identifier et localiser ce phénomène. Ces détections, saluées par le Prix Nobel de physique au début du mois, ont ouvert un nouveau chapitre de l'astronomie.

Pas moins de 1.200 scientifiques collaborent aux détecteurs Ligo et Virgo, et plus de 70 observatoires sur Terre et dans l'Espace ont traqué cette fusion. En tout, plusieurs milliers de personnes ont oeuvré à cette première scientifique.

Et l'aventure n'est pas terminée: "nous avons suffisamment de données pour travailler un bon moment!", s'enthousiasme Benoît Mours.

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