Accueil Actu

En Inde, une "princesse des dinosaures" veille sur ses sujets

Dans la plaine indienne s'élèvent soudain des statues de tricératops ou de ptéranodons, tel un Jurassic Park. Un ancien Etat princier et son héritière se sont découvert des sujets vieux de millions d'années: des fossiles de dinosaures.

Aalia Sultana Babi, 42 ans, est issue de la dynastie qui régnait autrefois sur le district de Balasinor, dans l'Etat du Gujarat (ouest), et son petit palais blanc crème est décoré exactement comme on pourrait s'y attendre, riches tapis, fusils accrochés au mur, portraits d'aïeux... Jusqu'à ce que l'on tombe sur sa collection de fossiles de dinosaures.

Dans le creux de ses bras, le câlinant presque comme un bébé, Mme Babi présente avec fierté le clou de sa collection: un rare œuf fossilisé de Titanosaurus, datant du Crétacé supérieur.

Celle que l'on surnomme "la princesse aux dinosaures" a découvert cette pièce entre les mains d'une villageoise qui, croyant avoir affaire à une vulgaire pierre, s'en servait pour moudre les épices.

"Elle ne savait pas que c'était un œuf de dinosaure !", s'exclame Mme Babi, des accents de tendresse dans la voix.

Maternant les fossiles de sa collection, la "princesse aux dinosaures" consacre sa vie à protéger les restes des reptiles éteints qui peuplaient autrefois Balasinor.

Les touristes de passage ont droit à un tour sur le thème de la paléontologie, par la princesse en personne, des terres que possédait sa famille. Chapeau de cow-boy, foulard autour du cou, elle se donne à cette occasion un air d'Indiana Jones - les doigts bagués en plus.

Des poils de son pinceau, elle époussète une zone sur un rocher : "On reconnaît que c'est un fossile grâce aux lignes fibreuses qu'on voit ici. On peut voir de minuscules pores, même aujourd'hui, 65 millions d'années après", s'enthousiasme-t-elle.

- Rajasaurus -

Balasinor, un domaine de 23 hectares situé à 70km à l'est de la grande ville gujaratie d'Ahmedabad, est sorti de l'anonymat au début des années 1980.

Lors de fouilles, des chercheurs se sont alors aperçus que la terre recèle des fossiles de dinosaures enfouis depuis des millions d'années. Et les paléontologues ne sont pas au bout de leurs surprises: dans le sol de Balasinor, ils découvrent un fossile estimé à 67 millions d'années d'une nouvelle espèce, depuis baptisée Rajasaurus Narmadensis - d'après le terme hindi pour "roi" et la rivière Narmada voisine.

Sorte de tyrannosaure, le Rajasaurus, haut de 9 mètres, était un prédateur carnivore caractérisé par une couronne de cornes au sommet de sa tête. Il se repaissait des herbivores au long cou qui vivaient dans la région.

A Balasinor, les dinosaures sont un emblème, peints sur les murs de l'unique école du village.

Ils se déclinent aussi en parc d'attraction. Géré par le gouvernement du Gujarat, le Dinosaur Fossil Park dégage une ambiance assoupie et poussiéreuse. Un vigile travaille seul à empêcher les actes de vandalisme ou les intrusions de bergers locaux en quête de pâture pour leur bétail.

Un musée a été construit, mais jamais achevé. L'exposition qui s'y tient actuellement présente des maquettes de dinosaures et des posters.

Seul le parc avec ses statues de dinosaures en fibre de verre, à taille réelle, peut éventuellement procurer au millier de visiteurs quotidien un petit frisson d'adrénaline.

- 'On ne se soucie pas des vivants' -

"C'est bien que Balasinor attire autant l'attention. Mais ça ne nous sert à rien", déplore Rajesh Chauhan, 26 ans, un jeune villageois sans-emploi peu sensible au charme des reptiles. "On veut que le gouvernement pense à nous aussi. Ils se préoccupent d'animaux qui sont morts et disparus de longue date, mais ne se soucient même pas des vivants".

Malgré le scepticisme des locaux, la princesse, elle, ne ménage pas ses efforts pour développer le tourisme dans sa région.

Mme Babi s'est enamourée des dinosaures en servant de traductrice à une équipe de paléontologues en visite dans la région. A cette occasion, "j'ai été aspirée dans quelque chose d'unique qui se trouvait virtuellement dans mon arrière-cour", se souvient-elle.

Se passionnant pour ces fossiles, elle a écrit à des scientifiques et s'est longuement documentée sur le sujet. Aujourd'hui, avoue-t-elle, "j'ai le sentiment que ce sont mes sujets et que je dois les protéger".

À la une

Sélectionné pour vous