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Grand collisionneur: à la recherche du "passage secret" vers une nouvelle physique

Le grand collisionneur de particules LHC, situé à la frontière franco-suisse, entrera début juin dans une nouvelle phase d'exploitation, les chercheurs du CERN espérant trouver "l'entrée du passage secret" vers une nouvelle physique, explique à l'AFP la scientifique canadienne Pauline Gagnon.

Plus grand collisionneur au monde, le LHC comprend un tunnel en forme d'anneau de 27 kilomètres, dans lequel vont s'entrechoquer à nouveau des faisceaux de protons pour faire surgir toutes sortes de particules.

Chercheuse au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), le physicienne Pauline Gagnon vient de publier "Qu'est-ce que le boson de Higgs mange en hiver", aux Editions Multimondes, afin de mettre ces recherches pointues à la portée d'un public non spécialisé.

QUESTION: En 2012, le grand collisionneur réalisait des collisions de protons à une énergie de 8 Téraélectronvolts (TeV). A présent, il monte jusqu'à 13 TeV, un niveau qu'il n'avait jamais atteint. Qu'espère-t-on découvrir?

REPONSE: "Nous essayons de trouver une brèche dans la théorie du +Modèle standard+. Celle-ci explique que toute matière se compose de particules fondamentales, des quarks et des leptons, et que ces particules interagissent entre elles en s'échangeant d'autres particules, qu'on appelle des bosons.

Ce Modèle standard est une bonne base mais il n'explique que la pointe de l'iceberg. Il ne dit rien par exemple sur la matière noire, qu'on ne voit pas car elle n'émet pas de lumière mais qui représente 27% du contenu de l'Univers.

Alors nous cherchons l'entrée du passage secret, qui nous permettrait d'aller plus loin.

Nous mesurons des centaines de phénomènes différents, en espérant trouver de nouvelles particules qui pourraient combler les lacunes du Modèle standard."

Q: L'une des grandes réussites du LHC est d'avoir mis en évidence le boson de Higgs, en 2012. Quel est cet étrange "animal", considéré comme la clef de voûte du Modèle standard?

R: "Le boson de Higgs est une particule fondamentale (non formée à partir d’autres particules). Sa découverte prouve l'existence d’un champ de force bien spécial dont l'existence était postulée mais sans en posséder la preuve. Ce champ de force est un peu comme un océan dans lequel tout baigne. Toute particule fondamentale se déplaçant dans ce champ se trouve ralentie, comme si elle devenait lourde et ne pouvait plus évoluer librement. La masse en physique est simplement une résistance au mouvement.

Le boson de Higgs est une perturbation de ce champ de force, comme une vague à la surface d’un océan. Sa découverte prouve donc la présence de ce champ. Et sans ce champ, on ne pourrait expliquer comment les particules obtiennent leur masse, une de leurs propriétés de base.

A présent, nous allons essayer de comprendre comment ce boson de Higgs fonctionne et s'il a un lien avec la matière noire."

Q: Pour combler les lacunes du Modèle standard, certains physiciens ont développé une théorie complémentaire, celle de la supersymétrie, surnommée SUSY. Où en est-on?

R: "Cette théorie, apparue au début des années 1970, fait le postulat que chaque particule du Modèle standard a une particule partenaire, supersymétrique. Elle dit aussi qu'il n'y a pas un boson de Higgs mais cinq.

Nous allons continuer à chercher ces particules supersymétriques.

Nous nous attendions à ce qu'elles soient beaucoup plus légères mais nous n'en avons pas trouvé lors de nos expériences passées.

Soit parce que le modèle est erroné, soit parce que les particules supersymétriques sont plus lourdes que nous le pensions. Et dans ce cas, nous n'avions pas assez d'énergie pour les produire.

La montée en énergie des collisions devrait nous permettre d'y voir plus clair.

La découverte de nouvelles particules nous fera faire un immense bond en avant. Le redémarrage du LHC pourrait marquer l'aube d'une grande révolution scientifique."

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