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Iter: un coût toujours plus élevé pour une grande ambition

Ses ambitions sont grandes - maîtriser la fusion nucléaire. Son coût l'est de plus en plus. Le chantier du réacteur Iter, en construction dans le sud-est de la France, accuse à nouveau d'importants retards, ce qui alourdira encore de 4,6 milliards d'euros la facture pour ce programme réunissant 35 pays.

Objet d'un traité international signé à l'automne 2006, Iter a pour ambition de reproduire sur Terre l'énergie illimitée qui alimente le Soleil et les étoiles. L'espoir est de pouvoir faire de la fusion nucléaire l'une des énergies de demain.

Un immense tokamak - la chambre de confinement magnétique où se produira l'expérience de fusion nucléaire - est en cours de construction à Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône).

Le directeur général d'Iter Organization, le Français Bernard Bigot, qui a repris en mars 2015 la barre de ce projet à la peine, a mené une opération vérité sur les délais et les coûts, dont l'ampleur a surpris les partenaires du projet.

Le premier rendez-vous expérimental est décalé "grosso modo de cinq ans", déclare à l'AFP Bernard Bigot, 66 ans, ancien patron du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) français.

La production test d'un premier plasma (gaz chaud électriquement chargé) dans le réacteur "se fera en 2025, et non en 2020", comme prévu, dit-il.

"Le réacteur atteindra sa pleine puissance en 2035 et non en 2025-2027 comme envisagé", ajoute-t-il. C'est à ce moment-là que l'on saura si la fusion nucléaire est techniquement maîtrisable et économiquement intéressante.

Ce nouveau calendrier, présenté par M. Bigot, a été "validé" le 16 juin par le Conseil Iter, où siègent les représentants des partenaires du projet.

"Le précédent calendrier était irréaliste. Nous avons désormais un calendrier ambitieux mais crédible", assure M. Bigot.

Iter est financé par sept partenaires - Union européenne, Etats-Unis, Russie, Japon, Chine, Inde, Corée du Sud. Quarante-cinq pour cent de cet investissement public est à la charge de l'Europe (les 28 pays de l'UE plus la Suisse).

-'Bâton de pèlerin'-

Corollaire de ces retards cumulés: le coût d'Iter flambe. Estimé au départ à 5 milliards d'euros, il était déjà passé, selon M. Bigot, "à 14 milliards d'euros pour la période 2007-2020".

Il est désormais évalué à 18,6 milliards (2007 à 2035). Soit plus du triple des estimations initiales.

Les partenaires vont donc être appelés à remettre au pot 4 milliards d'euros d'argent public pour les dix ans à venir puis 600 millions d'euros pour aller jusqu'en 2035, précise M. Bigot.

Pour l'Europe, cela représente un surcoût de 2 milliards d'euros. La France, qui accueille Iter, doit y participer à hauteur de 20% (soit 400 millions) et l'Allemagne de 13%.

Les représentants des sept partenaires, qui étaient au Conseil d'Iter de juin, "vont devoir convaincre d'ici la fin de l'année leurs autorités politiques et budgétaires qu'il est dans leur intérêt conjoint de valider ces surcoûts", souligne M. Bigot.

Lui-même va prendre son "bâton de pèlerin" pour mener un travail d'explication "dans la clarté et la transparence" auprès des différents pays.

"Le projet a démarré dans le bel enthousiasme d'une coopération internationale, avec un affichage politique qui était d'obtenir un premier plasma dix ans après le démarrage", dit-il. "Mais personne à l'époque n'avait pris le soin d'établir clairement la séquence de toutes les activités à conduire, et les délais indispensables du point de vue industriel".

Un groupe d'experts indépendants est venu inspecter le chantier et "ils ont convenu qu'on ne pouvait pas faire plus vite et à moindre coût", assure M. Bigot.

Iter souffre aussi d'une organisation très complexe. Le projet est en grande partie financé "en nature" par les équipements que chacun des 35 pays produit. Il faut ensuite assembler ce gigantesque puzzle parfois au millimètre près. "Mais désormais tout le monde accepte de travailler de manière intégrée", déclare M. Bigot.

Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor, mais aussi "chemin" en latin), vise à donner au monde une nouvelle énergie plus "propre" et "quasi-illimitée", selon ses promoteurs.

Il fait l'objet de critiques récurrentes de la part d'écologistes, notamment français, qui y voient "un gouffre financier" et "un mirage scientifique".

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