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L'Afrique du Sud tente de bloquer une vente aux enchères de cornes de rhinocéros

Les autorités sud-africaines tentent à tout prix de bloquer une vente aux enchères très controversée de cornes de rhinocéros, les organisations de protection des animaux craignant que cette initiative ne vienne alimenter le commerce international illégal de cornes de ces pachydermes.

Les enchères, prévues de lundi à jeudi en ligne, sont organisées par le plus important éleveur de rhinocéros au monde, le Sud-Africain John Hume.

Elles sont possibles grâce à un changement récent dans la législation sud-africaine. En avril, après une longue bataille judiciaire, John Hume a obtenu la levée du moratoire sur le commerce intérieur de la corne de rhinocéros, en vigueur depuis 2009. Le commerce international reste lui toujours interdit.

Le richissime homme d'affaires va mettre sur le marché quelque 500 kilos de cornes sur les 6 tonnes qu'il conserve précieusement dans des banques et auprès de compagnies de sécurité privées.

Une première en Afrique du Sud, qui abrite 80% de la population mondiale de rhinocéros, une espèce menacée par un braconnage à grande échelle.

Composée de kératine, comme les ongles, leur corne est très recherchée en Asie, où les médecins traditionnels lui prêtent des vertus thérapeutiques. Sur le marché noir, elle s'arrache jusqu'à 60.000 dollars le kilo.

Les autorités sud-africaines se démènent pour bloquer les enchères. Elles seules peuvent délivrer le permis de vente et elles ont décidé de s'y opposer, a annoncé le gouvernement, sans plus de précision.

Furieux, John Hume a saisi vendredi la Haute Cour de Pretoria, qui a commencé à étudier le dossier ultra polémique. Il veut que la justice contraigne le gouvernement à "physiquement remettre le permis de vente qu'elle a déjà approuvé", a expliqué à l'AFP Izak du Toit, avocat de l'éleveur de rhinocéros.

Fait rarissime, le juge doit se prononcer dimanche, quelques heures seulement avant le début théorique de la vente.

- Site piraté -

Aujourd'hui, explique John Hume sur le site de la vente aux enchères, il ne peut plus subvenir au coût de son ranch de 8.000 hectares situé dans la province du Nord-Ouest.

Chaque mois, il dépense 145.000 euros pour protéger ses quelque 1.500 bêtes contre les braconniers. Sa ferme ressemble à un fort retranché: barrières électriques, hommes en treillis, hélicoptère équipé d'une caméra infrarouge.

Les cornes que John Hume propose à la vente ont été découpées, à la scie sauteuse, sur ses rhinocéros anesthésiés, une procédure indolore selon les vétérinaires.

Dans les réserves et fermes, les pachydermes sont effectivement régulièrement décornés, notamment pour dissuader les braconniers. Leur corne repousse comme les ongles.

"Actuellement, les rhinocéros sont tués pour répondre à la demande (...), alors que leurs propriétaires peuvent approvisionner le marché avec de la corne" d'animaux qui n'ont pas été braconnés, affirme John Hume.

Cette vente aux enchères représente "une solution pour sauver les rhinocéros", assure-t-il. Chaque année, un millier d'entre eux sont tués en Afrique du Sud pour approvisionner un marché juteux.

- Mandarin et vietnamien -

Alors défenseur des animaux ou homme d'affaires, John Hume ?

Le débat fait rage entre partisans et adversaires du commerce de la corne. Pour preuve, le site internet de la vente a été brièvement piraté par un groupe de hackers dénonçant "le manque de compassion pour les animaux".

Le commerce international de la corne étant toujours illégal, les cornes achetées aux enchères ne pourront pas théoriquement quitter le territoire sud-africain.

Mais les défenseurs des animaux n'y croient pas une seule seconde. Cette vente "va approvisionner le marché noir", assure à l'AFP Joseph Okori, président pour l'Afrique australe du Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw).

Le site des enchères est en anglais, mandarin et vietnamien, preuve que John Hume "ne vise pas le marché sud-africain" et que les cornes finiront sur le marché asiatique, prévient-il.

La vente "ne va pas réduire le braconnage, elle va au contraire l'exacerber", affirme Dex Kotze, homme d'affaires militant de la cause animale.

Il n'y aura pas de prix minimum lundi, si la vente a bien lieu. "On ne peut pas se baser sur une autre vente" pour fixer les prix puisqu'il s'agit d'une première, a expliqué Johan Van Eyk de la maison d'enchères sud-africaine Van's Auctioneers.

John Hume a déjà prévu une autre vente aux enchères, cette fois-ci physique, en septembre, dans un lieu qui sera très sécurisé.

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