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L'avenir du plan climat d'Obama devant la justice

Actuellement suspendu, le programme de lutte contre le réchauffement climatique de Barack Obama a joué son avenir à quitte ou double devant la justice mardi à Washington, lors d'une audience exceptionnelle aux enjeux faramineux.

Pour le président américain, il s'agit ni plus ni moins de la survie de sa mesure phare de lutte contre les gaz à effet de serre, qu'il voulait exemplaire dans son bilan de deux mandats à la Maison Blanche.

Le 9 février, la Cour suprême des Etats-Unis avait dans un coup de théâtre bloqué l'application de ce "Clean Power Plan" (Projet pour une énergie propre), jetant une ombre sur l'accord international de Paris signé deux mois plus tôt et suscitant des inquiétudes tout autour de la planète.

Les neuf sages de la plus haute juridiction américaine ne s'étaient pas prononcés sur le fond, laissant cette tâche à un autre tribunal.

C'est précisément ce qu'a fait mardi la cour d'appel fédérale de Washington, une instance généralement considérée comme venant juste après la Cour suprême en prestige.

Pour cette audience exceptionnelle, la crème de la crème de la magistrature américaine avait d'ailleurs été convoquée en formation plénière.

Dix juges au total ont écouté les argumentaires des divers avocats qui ont illustré ce que l'Amérique offre de plus emblématique dans ses rapports entre politique, judiciaire et puissants groupements d'intérêts actifs sur la colline du Capitole.

- Des dizaines de milliards en jeu -

Il faut dire que des dizaines de milliards de dollars sont dans la balance, la question revenant finalement à choisir quel type d'électricité recevront les foyers américains dans ce XXIe siècle menacé par les dérèglements climatiques.

D'un côté se trouvent les opposants au Clean Power Plan (CPP): 27 Etats majoritairement républicains, des entreprises exploitantes de charbon et des fournisseurs d'électricité, ainsi qu'une longue liste d'élus républicains.

Ensemble ils sont vent debout contre le plan climat d'Obama, élaboré par l'Agence de protection de l'environnement (EPA), qui impose aux centrales thermiques américaines des réductions de leurs émissions de CO2 de 32% d'ici 2030 par rapport à 2005.

Si appliquées, ces règles se traduiront par la fermeture de nombreuses centrales thermiques à charbon, ou leur reconversion dans des centrales à gaz moins polluantes, tout en favorisant le développement d'énergies renouvelables.

Les détracteurs des mesures Obama affirment que les exigences environnementales du gouvernement sont bien trop coûteuses, à la fois financièrement et en terme d'emploi, pour leurs régions habituées à vivre de la production et consommation d'énergies fossiles.

Ils accusent aussi l'administration fédérale d'abus de ses prérogatives et soutiennent que les questions de production et de distribution d'énergie relèvent des Etats et non pas de Washington.

"En Virginie occidentale, 96% de notre énergie provient du charbon", a ainsi plaidé mardi Elbert Lin, défendant cet Etat de l'est des Etats-Unis. Selon lui, le programme d'Obama "revient à imposer de force une palette énergétique différente".

Dans l'autre camp, on trouve l'actuel gouvernement démocrate, qui bénéficie du soutien de 18 Etats et de diverses organisations de défense de l'environnement.

Le plan climat de la Maison Blanche "vise à limiter la pollution, un point c'est tout", a soutenu mardi à la barre Eric Hostetler, avocat du ministère de la Justice.

D'après lui la plupart des régions américaines ont déjà amorcé leur virage vers les énergies moins polluantes. "Cette règle ne fait que renforcer une tendance déjà existante", a-t-il souligné.

- La joute s'annonce serrée -

La joute s'annonce donc intense, avec une issue difficile à prévoir. Sur les dix juges qui siégeaient mardi, six ont été nommés par les démocrates et quatre par les républicains, mais ils gardent évidemment leur liberté de vote.

Etant donnée l'importance des enjeux, nombre d'experts s'attendent à ce que le plan climat d'Obama revienne de toute façon devant la Cour suprême.

Or, depuis le revers retentissant qu'elle a infligé au président début février, l'un de ses neuf membres est décédé. La mort d'Antonin Scalia, qui n'a pas été remplacé, laisse la haute cour divisée entre quatre magistrats conservateurs et quatre magistrats progressistes. Autrement dit, la Cour suprême est menacée de blocage.

En cas d'arrêt rendu à égalité quatre contre quatre, la règle est que le jugement du tribunal inférieur reste inchangé. C'est dire l'importance qu'aura la décision de la cour d'appel fédérale, quand elle tombera d'ici quelques mois.

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