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Les cabinets de curiosités font à nouveau rêver

C'est le moment de sortir des greniers, papillons encadrés, trophées de chasse, insectes sous cloche et animaux naturalisés : les cabinets de curiosités, ces ancêtres des musées, font un retour en force.

"Des gens constituent des cabinets de curiosités chez eux comme on le faisait au XVIIIe siècle, c'est très à la mode", explique Christophe Lucien, commissaire priseur à Paris.

Car la société reprend aujourd'hui "conscience de l'importance du vivant, de la diversité", explique Louis-Albert de Broglie, propriétaire de la maison Deyrolle qui, depuis 1831, est une référence en matière de cabinets de curiosités. "La société recommence à comprendre ce qu'est la nature".

Mais on trouve aussi dans ces nouveaux "cabinets de curiosité" bien d'autres choses que les objets rares ou étranges qu'on y collectionnait autrefois, à des fins scientifiques. Les gorgones et les fossiles sont remplacés par des accessoires de mode, des bijoux, des objets design.

"C'est quelque chose qui fait vendre, qui attire en ce moment", explique Pascale Heurtel, responsable de la bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle à Paris.

Cet engouement touche "tous les gens qui ont envie d'avoir un décor chez eux, c'est assez large", confirme Louis-Albert de Broglie.

Des artistes contemporains s'inspirent aussi de ces anciennes chambres aux merveilles, voire en réalisent. Le plasticien américain Mark Dion a ainsi exposé à la Tate Gallery de Londres un amalgame de tout ce que le monde produit comme déchets. Puis s'attaquant au monde marin, il a réalisé "Oceanomania" pour le Musée océanographique de Monaco, un cabinet de curiosités de 180 m2.

"Pour intéresser, il n'y a rien de tel que l’objet", note Chrystelle Duhem, chargée de collections et responsable du cabinet de curiosités de l'Université Paris-Sud à Orsay, dédié aux sciences naturelles.

- Prestigieux avant, tendance maintenant -

Les cabinets de curiosités sont nés en Europe à la Renaissance, quand les élites se sont mises à rassembler, chez eux, naturalia (créatures et objets naturels), artificialia (objets créés ou modifiés par l'Homme comme les antiquités) et exotica (plantes et animaux exotiques).

"Les cabinets du XVIIIe siècle, comme celui de l'aristocrate Bonnier de la Mosson, exposé au Jardin des plantes de Paris, étaient des instruments de promotion, de prestige", explique Pascale Heurtel.

Prestigieux avant, tendance maintenant ! "Les deux se rejoignent un peu d'une certaine manière", s'amuse-t-elle.

Mais au XVIIIe siècle, l'objectif des cabinets de curiosités était d'exposer les richesses du monde pour mieux le penser et mieux le comprendre.

"Les cabinets de curiosités de l'époque avaient une fonction fondamentale: la quête du savoir", explique Louis Albert de Broglie. "Allez savoir où est la quête du savoir aujourd'hui dans le cabinet de curiosités!", regrette-t-il.

Car, à l'heure d'internet et des vols low cost, les corbeaux sous cloche, les crânes de buffles ou les girafes naturalisées, ça nous dit quoi ?

Pour prendre en compte la réalité de notre époque, un cabinet de curiosités devrait par exemple présenter des animaux clonés, des ordinateurs, du plastique.

"Il faut passer à une dimension supplémentaire", juge Louis-Albert de Broglie. "Pour moi, le cabinet de curiosités doit concourir à faire prendre conscience de l'impact de l'homme sur l'environnement".

Il devrait exprimer "le regard de chacun sur son propre impact sur le monde, sur l'évolution", être "une oeuvre vécue", conclut le président de la maison Deyrolle.

L'artiste britannique Damien Hirst a ainsi créé un cabinet regroupant des animaux naturalisés, un pistolet, un couteau, des insecticides, des produits détergents et un crâne Maya. "C'est l'histoire de l'humanité et de son auto-destruction", note Louis-Albert de Broglie. "Le cabinet de Damien Hirst est pour moi remarquable car il traite d'un vrai sujet".

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