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Merkel, "chancelière du climat" de plus en plus décriée

Longtemps dépeinte en "chancelière du climat", Angela Merkel doit affronter le risque que l'Allemagne manque ses objectifs d'émissions polluantes, mais refuse pour l'heure de préparer l'abandon du charbon ou des moteurs à combustion.

"Angela Merkel ne se distingue pas tant que ça de Donald Trump. Enfin si: au moins, Trump est honnête", déplorait récemment l'hebdomadaire Die Zeit, dans un cinglant réquisitoire contre la dirigeante qualifiée de "comédienne" de la lutte contre le réchauffement.

Mme Merkel a promis samedi de chercher "de nouvelles mesures" pour que l'Allemagne réduise de 40% ses émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1990, comme elle s'y est engagée, alors qu'elle n'affichait que 28% de baisse en 2016.

Mais elle a aussi insisté sur son attachement au "cœur industriel" du pays, affirmant que les défenseurs du climat n'auraient "rien gagné" si "les aciéries, les usines d'aluminium ou les fonderies déménageaient là où les règles environnementales sont moins strictes".

La chancelière n'a, à l'inverse, pas dit un mot des centrales à charbon ou des moteurs à combustion, deux des principaux points de discorde entre son camp conservateur, les Libéraux et les Verts, dans leurs laborieux pourparlers pour accoucher d'un gouvernement.

- Charbon contre nucléaire -

Ce mutisme fait désordre à l'heure de la 23e conférence de l'ONU sur les changements climatiques (COP23), qui se tient à Bonn en Allemagne, et où Mme Merkel s'exprimera mercredi aux côtés du président français Emmanuel Macron.

En matière climatique, "nous étions les pionniers et sommes maintenant à la traîne", regrette Claudia Kemfert, spécialiste de la politique énergétique au sein de l'institut allemand DIW. Elle réclame comme nombre d'experts et d'associations l'abandon progressif du charbon.

Se retrouvant pour une fois dans le camp de Greenpeace, une cinquantaine de grandes entreprises, dont Siemens, Adidas et Deutsche Telekom, viennent elles aussi d'appeler à une programmation "ferme et socialement responsable" de la fermeture des centrales à charbon et à lignite.

Pourtant, ni les conservateurs ni les libéraux ne veulent d'échéance pour renoncer à cette énergie bon marché, qui représente 40% de l'électricité consommée en Allemagne, et les Verts viennent d'abandonner la date de 2030 qu'ils défendaient pendant la campagne.

Historiquement associé à la prospérité allemande, le charbon reste perçu comme incontournable en plein "virage énergétique" décidé en 2011, dans la foulée de Fukushima, et marqué par l'abandon du nucléaire d'ici 2022.

Les énergies renouvelables sont certes montées en puissance, passant en 2016 à 31,7% de la consommation d'électricité allemande, mais elles posent encore des difficultés liées à leur caractère intermittent et leur transport depuis le Nord, balayé par le vent, jusqu'au Sud industriel.

- 'Nuire à tous' -

Autre sujet délicat pour la future coalition allemande: la politique automobile, tiraillée entre le lobby des constructeurs, les 800.000 emplois en jeu en Allemagne, et l'impact environnemental du secteur.

Mme Merkel a longtemps ferraillé à Bruxelles pour limiter les normes environnementales imposées à l'industrie, mais a dû durcir son discours après la révélation du scandale des moteurs diesel truqués il y a deux ans.

Pourtant il n'est pas toujours pas question, pour la chancelière comme pour une majorité de la classe politique allemande, de programmer la fin des moteurs thermiques, comme l'ont par exemple décidé la Norvège ou la France.

Non seulement les voitures électriques peinent à séduire en Allemagne, mais Berlin soutient aussi que le diesel, qui émet moins de CO2 que les moteurs à essence, reste indispensable pour respecter les objectifs climatiques.

Désabusés, associations et scientifiques allemands multiplient depuis plusieurs mois les appels à sortir du flou, par exemple en investissant dans les technologies vertes ou en soutenant un prix minimum du carbone pour créer une incitation économique à moins polluer.

"Promettre, reporter, abandonner: c'est la politique habituelle", soupire Hans Joachim Schellnhuber, directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur le changement climatique.

Pour lui, la limite des dirigeants allemands est de "ne vouloir blesser personne aujourd'hui, ni l'employé d'une centrale à lignite, ni celui qui assemble des moteurs diesel", au risque de "finir demain par nuire à tout le monde".

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