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Le projet controversé de "salle de shoot" parisienne déplacé à l'hôpital Lariboisière

Elle devait s'implanter derrière la gare du Nord à Paris, sur un terrain prêté par la SNCF, au grand dam de certains riverains. La première "salle de shoot" prévue en France verra finalement le jour sur le site de l'hôpital Lariboisière, 200 mètres plus loin.

Après plusieurs mois de controverses, le projet d'expérimentation d'une "salle de consommation à moindre risque", qui devait ouvrir au 39, boulevard de la Chapelle, dans le nord de la capitale, est "abandonné" pour "des problèmes d'enclavement et de difficultés d'accès", a expliqué à l'AFP le maire du Xe arrondissement, Rémi Féraud.

"La salle sera déplacée de 200 mètres", assure l'élu socialiste. Si l'emplacement définitif au sein de l'hôpital Lariboisière n'est pas encore décidé, il évoque "deux ou trois lieux possibles", envisagés avec la direction et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

"Le projet sera adossé à l'hôpital", a ajouté Bernard Jomier, adjoint à la Santé de la mairie de Paris, précisant que "l'accès ne se fera pas par la porte principale, mais par le côté".

Pour l'association Gaïa, qui gèrera la salle, cet emplacement "permet de remplir les objectifs, en termes de superficie et de localisation, à proximité du quartier de la gare du Nord, fortement impacté par les problèmes de drogue".

"On aura une ouverture sur rue, pour faire notre travail de proximité auprès des usagers de drogue" qui "ne passeront pas par le guichet ni les couloirs de l'hôpital", explique à l'AFP le docteur Thomas Dusouchet, coordinateur de l'association.

L'ancienne implantation prévue, présentée en mai 2013 comme "la plus adaptée" pour accueillir des toxicomanes majeurs précarisés et leur permettre de consommer leurs drogues sous supervision de personnels de santé et réduire les troubles à l'ordre public, était contestée par des riverains.

Les habitants de l'immeuble à l'adresse du site retenu avaient manifesté plusieurs fois.

- 'Problématique de santé publique' -

Le changement de lieu est donc "une bonne nouvelle" pour Berthe Desvages, résidente de l'immeuble, dont les fenêtres sont couvertes de "Non" à cette expérimentation. "On a déjà eu des soucis avec des toxicomanes qui venaient dans l'immeuble pour trouver la salle de shoot. Certains sont montés jusqu'au sixième étage", dit-elle.

Avec l'installation ces derniers mois d'un campement sauvage de centaines de migrants sous les rails du métro voisin, en face du site initial, "l'aberration" était à son comble, souligne pour sa part Marpessa Rodolph, une autre riveraine.

"Le campement a beaucoup dégradé l'environnement", reconnaît Rémi Féraud. "Ce n'étaient pas des conditions optimales", ajoute Bernard Jomier.

Cette décision est "la reconnaissance par la mairie que c'était une erreur d'implanter cette salle en ville, comme nous le disions", réagit Philippe Gougeon, député UMP de Paris. Mais la salle "va amener un flux de toxicomanes" autour de l'hôpital, prévient-il, propice à créer "un marché de la drogue".

Pour Déborah Pawlik, élue UMP de l'arrondissement, ce déplacement "ne règle pas le problème de fond": "cela n'aidera pas les toxicomanes à sortir de la dépendance".

Le président de l'association Parents contre la drogue Serge Lebigot souligne que "l'hôpital Lariboisière est celui qui accueille le plus de patients aux urgences", s'inquiétant lui aussi des "risques d'agressions" et "du trafic qui va s'installer autour".

Un trafic déjà très présent avec des toxicomanes de rue utilisant les sanisettes comme salles de shoot, répond le maire d'arrondissement. "Les usagers sont déjà là, c'est pas la salle qui les attire", renchérit Thomas Dusouchet, de l'association Gaïa.

L'ouverture de la salle, conditionnée au vote d'une loi au Parlement, ne devrait pas intervenir avant début 2016, estime Bernard Jomier.

Début avril, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture le principe des "salles de shoot", pendant six ans maximum. Le texte devrait être examiné à l'automne au Sénat.

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