Accueil Actu

"Je plains les jeunes": le regard désabusé d'un agriculteur

"Quand j'ai commencé à travailler sur 75 hectares, je gagnais correctement ma vie. Aujourd'hui, mes fils exploitent 450 hectares à eux deux et ils ont du mal à en vivre": Francis P., céréalier retraité, témoigne auprès de l'AFP de l'évolution négative de la situation des agriculteurs.

"Je suis content d'être à la retraite mais je plains les jeunes qui se lancent dans le métier", affirme l'agriculteur francilien, rencontré mercredi par l'AFP place de la République à Paris, lors de l'opération festive de défense du métier d'agriculteur, lancée par le syndicat FNSEA.

À lui seul, son témoignage illustre la plupart des problèmes discutés depuis juillet dans le cadre des États généraux de l'alimentation lancés par le président, Emmanuel Macron: fragilité financière des exploitations liée à la volatilité des marchés, aux diktats de la grande distribution ou aux aléas climatiques à répétition et difficulté de s'adapter à la transition écologique en cours en jugeant incompréhensibles le resserrement de certaines contraintes environnementales.

Il espère que les États généraux déboucheront sur un peu de "cohérence" et, surtout, du pouvoir d'achat pour les agriculteurs.

"En 2016, avec la météo catastrophique et les mauvaises récoltes qui ont suivi, l'exploitation a perdu 150.000 euros. Heureusement que nous avions mis de côté une trésorerie suffisante, qui a comblé le trou, mais il n'y en a plus. La prochaine fois, il faudra aller voir le banquier", dit-il.

- 'On a du mal à comprendre ce qu'il faut faire' -

"Depuis la dernière réforme de la Politique agricole commune, en 2014, nous sommes obligés de réserver des surfaces dites +d'intérêt environnemental+. Nous y cultivions des protéagineux (pois..) car ces cultures redonnent de l'azote et sont bonnes pour les sols", explique l'agriculteur.

"Mais maintenant, on nous interdit de traiter ces surfaces. Il va donc être difficile de cultiver quoi que ce soit dessus car lorsque les plantes sont malades, il faut les soigner, sinon il n'y a aucun rendement. Je ne sais pas ce qu'on va planter sur ces surfaces en 2018. Nous allons retourner à la jachère?" s'interroge-t-il.

En revanche, pour la partie sucrière de l'exploitation, la tendance est à l'inverse: "depuis la levée des quotas sucriers cette année, les industriels du sucre nous poussent à augmenter les surfaces de betterave".

"Nous risquons de faire trop de sucre et de voir les cours s'effondrer, comme cela s'est passé dans le lait en 2015", avertit cet homme au sourire désabusé.

"Lorsque M. Pisani était ministre (de 1961 à 1966, NDR), le mot d'ordre était clair, il fallait produire et faire en sorte que la France soit autosuffisante pour sa nourriture. Aujourd'hui, on a du mal à comprendre ce qu'il faut faire" résume-t-il.

La taille des exploitations, surtout en Île-de-France, "n'arrête pas d'augmenter". "Dans mon village, il y avait neuf fermes jusque dans les années 90 et aujourd'hui, il n'y en a plus que quatre. Nous exploitons sur une commune de l'Essonne et deux communes des Yvelines".

Selon lui, les petites exploitations familiales autour n'ont guère de chance de survie dans les zones de grande culture comme la sienne.

Elle emploie d'ailleurs un salarié de 47 ans, pourtant propriétaire d'une ferme de 65 hectares: mais il préfère être salarié dans la ferme de son voisin pour assurer sa sécurité financière plutôt que d'être indépendant, car il ne s'en sort pas seul.

À la une

Sélectionné pour vous