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"Pas de développement économique" sans une politique maritime forte, prévient un chercheur

Si la France "ne se tourne pas résolument vers la mer" il n'y aura "pas de développement économique", prévient Christian Buchet, directeur du Centre d'études de la mer à l'Institut catholique de Paris, à l'occasion des Assises de l'économie de la mer qui se déroulent au Havre.

L'ancien secrétaire général du Grenelle de la mer a présenté lors de ce grand rendez-vous annuel du monde maritime, qui se tient mardi et mercredi au Havre, une vaste étude réalisée pendant cinq ans par plus de 260 chercheurs de quarante pays.

Intitulée "The sea in History, La mer dans l'Histoire", cette encyclopédie maritime en 4 volumes et près de 5.000 pages, analyse le rôle de la mer à travers l'Histoire.

Sa conclusion est sans équivoque: la mer est la clé du succès. "En tous temps et en tous lieux le fait de s'être tourné vers la mer a conditionné le développement économique", explique Christian Buchet, dans un entretien à l'AFP.

"Tout pays, toute alliance, toute tribu qui à un certain moment s'est tourné vers la mer, a vu une modification de sa trajectoire vers le haut, vers la réussite", précise le directeur scientifique du programme Océanides à l'origine de ce projet international dont les conclusions sont reprises dans l'ouvrage à destination du grand public "La grande histoire vue de la mer", récemment paru aux éditions du Cherche Midi.

"L'Empire romain a décliné à partir du moment où il a commencé à perdre la maîtrise du commerce dans l’océan Indien", cite notamment l'expert.

- 'désenclavement' -

Face à ces enseignements, "la France a tout pour réussir" grâce notamment à son domaine maritime, le deuxième au monde avec plus de 11 millions de km2. "La chance de la France c'est l'Outre-mer qui lui donne ce domaine maritime et la chance de l'Europe c'est d'avoir la France et son Outre-mer", estime Christian Buchet, pour qui "l'Europe sera maritime ou ne sera pas".

"Il n'y aura pas de développement économique", tant en Europe qu'en France, "si on ne se tourne pas résolument vers la mer", assure-t-il, appelant de ses vœux une politique maritime ambitieuse, synonyme selon lui d'aménagement du territoire plus que de croissance bleue.

"Il y a souvent confusion: une politique maritime c'est avant tout une politique de désenclavement du territoire et non une politique qui vise à développer économiquement à travers un concept qu'on appelle la croissance bleue les quelques 60 km de bordure littorale", explique l'ancien secrétaire général du Grenelle de la mer de 2009, qui plaide pour une politique portuaire ambitieuse.

"Nos ports sont des culs de sac et il est urgent de lancer de grands travaux" pour les désenclaver, estime-t-il, soulignant qu'il y avait plus de voies navigables fluviales à l'époque de Louis XIV qu'aujourd'hui.

Le coût du transport d'un frigidaire depuis le port belge d'Anvers -au deuxième rang européen après le néerlandais Rotterdam-, et Rennes est trois fois plus élevé qu'entre Anvers et Shanghai, déplore le scientifique, qui rappelle que les deux tiers des conteneurs entrant en France -hors gaz et pétrole- transitent par Anvers, Rotterdam ou le port allemand de Hambourg. "Un bateau avec 16.000 conteneurs c'est 97 km de camions mis bout à bout", fait-il valoir.

Le Premier ministre Édouard Philippe a fait part mardi dans un discours en ouverture des Assises de son ambition maritime, s'engageant notamment dans la mise en place d'une nouvelle stratégie portuaire. "Je ne me résous pas à ce qu'Anvers fasse mieux que nous", a-t-il dit.

"Il faut bouger vite. Vite. Et pas qu'un peu. Parce que sans ports puissants pas de puissance maritime, parce que sans ports puissants pas d'industrie maritime et probablement pas d'industrie tout court, pas d'emplois (...) pas de France non plus dans la mondialisation".

Un discours jugé "très fort" par Christian Buchet, qui doit maintenant se traduire dans les faits. "Mais pour cela il faut du courage politique", souligne l'expert.

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