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Explosion mortelle dans une raffinerie Total: le difficile récit des blessés

Les parties civiles au procès de Total, d'un de ses sous-traitants et d'un salarié de celui-ci ont livré lundi devant le tribunal correctionnel de Dunkerque le difficile récit de l'explosion ayant coûté la vie d'un salarié à la raffinerie de Mardyck (Nord) en 2009.

"D'un seul coup, ça a fait boum! J'ai vu des flammes et je suis sorti de l'atelier comme une torche", a raconté à la barre Xavier A., un des cinq blessés du drame.

Le 29 janvier 2009, une terrible explosion avait retenti en milieu d'après-midi dans un hangar quelque peu en retrait de la raffinerie classée Seveso II, une secousse si violente que les tôles du bâtiment étaient tombées. A l'origine de l'incident: l'inflammation d'un nuage de gaz à proximité d'un camion de pompage qui aspirait des eaux usées dans un atelier.

"Ce que j'ai, ce n'est rien par rapport au décès d'un collègue. Il y a eu une forte odeur avant l'explosion", relate Philippe S., solide carrure et actuellement en recherche d'emploi.

Plusieurs autres blessés, qui travaillaient pour le sous-traitant Endel le jour du drame, refusent d'aller jusqu'à la barre pour relater les circonstances de l'explosion, contraignant la présidente à lire leurs dépositions lors de l'enquête.

Dans ce procès qui doit s'achever mardi, le groupe pétrolier français Total et son sous-traitant Ortec, société de nettoyage industriel, chargée le jour de l'accident de pomper des eaux usées dans ce hangar, sont poursuivis en tant que personnes morales pour "homicide et blessures involontaires" et "infractions sur l'hygiène et la sécurité". Un salarié d'Ortec est également prévenu des mêmes chefs. Il s'est également porté partie civile en raison de ses multiples blessures.

- 'Pas de règles de sécurité' -

A la barre, il s'exprime péniblement sur ses difficultés pour évacuer son traumatisme, au-delà des séquelles physiques. "Je ne dors plus", dit-il, visage émacié et cheveux courts. "Il est blessé et en même temps on lui reproche des manquements qui auraient causé l'accident. Pour moi il n'y a pas de manquement, car il n'y avait pas de règles de sécurité prévues pour cette opération", a déclaré à l'AFP son conseil, Me Amale Kenbib, lors d'une suspension de séance.

Dans l'après-midi, l'expert judiciaire, M. Christian Andurand, a pointé une "série de dysfonctionnements". Selon lui, il aurait fallu "dépoter" le camion avant le pompage, c'est-à-dire vider les litres d'essence qui ont favorisé la fuite des vapeurs inflammables. Il a aussi vertement critiqué la présence d'un tel véhicule dans un lieu aussi exigu. "Un camion n'aurait jamais dû entrer là-dedans!" s'est-il exclamé, jugeant qu'on "avait frisé la catastrophe" avec un bilan qui aurait pu être plus dramatique qu'un mort, un salarié d'Ortec de 32 ans, célibataire.

M. Andurand a aussi dénoncé les conditions de travail dans cet atelier, propriété de Total: "C'était impropre au travail, je n'aurais pas pu travailler dans ces conditions", a-t-il lancé.

"L'expert a vu le local après l'incendie, il faut savoir que les pompiers ont mis 30 cm de mousse, il est logique et normal qu'on trouve un sol insalubre", a réagi Me Jean-Benoît Lhomme, avocat du pétrolier, estimant aussi que le camion pouvait bien s'y trouver "en phase avec le plan de prévention".

Un peu plus tard dans l'après-midi, les deux inspecteurs du travail ont dit ne pas avoir reçu de la part d'Ortec et de Total un plan de prévention en bonne et due forme. "Les documents (transmis) ne correspondaient pas à la réglementation", a fustigé M. Nicolas Delemotte.

Le procès doit reprendre mardi 09H00 avec les plaidoiries et les réquisitions. La décision sera très probablement mise en délibéré.

Les personnes morales risquent jusqu'à 225.000 euros d'amende, le prévenu encourt trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.

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