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Autoroutes: bras de fer italo-espagnol pour s'emparer d'Abertis

Les appétits s'aiguisent autour du concessionnaire espagnol d'autoroutes Abertis: son compatriote ACS, géant de la construction, a annoncé vendredi étudier une contre-OPA pour s'emparer du groupe, déjà visé par une offre publique de l'italien Atlantia.

"ACS confirme qu'il étudie une possible contre-OPA sur la société Abertis", a déclaré dans un bref communiqué l'entreprise de BTP, l'une des plus grandes au monde, concurrente du français Vinci.

Le groupe, dirigé par le puissant Florentino Perez -également président du club de football du Real Madrid- envisagerait de mener l'opération via sa filiale allemande Hochtief, selon le quotidien économique Expansion, premier à révéler l'information.

Abertis, propriétaire notamment des autoroutes françaises Sanef, semble susciter de plus en plus de convoitises: depuis la mi-mai, il fait l'objet d'une offre publique d'achat lancée par l'italien Atlantia, une union qui, si elle aboutissait, donnerait naissance au leader mondial de la gestion d'autoroutes, avec plus de 14.000 km.

Atlantia, dont le premier actionnaire est la famille Benetton, offre 16,50 euros pour chaque action Abertis, le valorisant ainsi à 16,3 milliards d'euros. Le gendarme espagnol de la Bourse doit encore valider la proposition.

Depuis le début, l'OPA a cependant été accueillie avec prudence par Madrid, car l'une des filiales d'Abertis constitue un actif stratégique pour l'Espagne: la société de satellites Hispasat, qui assure les communications du gouvernement espagnol.

Madrid a déjà averti que cet élément lui donne un droit de veto sur l'opération.

Dans ce contexte, le gestionnaire semi-public espagnol d'aéroports Aena a annoncé mercredi avoir lui aussi envisagé une contre-OPA sur Abertis, mais a dû y renoncer sur ordre du gouvernement, inquiet semble-t-il du risque de privatisation du joyau aéroportuaire que comporterait l'opération.

- "Vache à lait" -

L'arrivée d'ACS dans le jeu donne un sentiment de déjà-vu à l'affaire: le groupe est en fait l'un des fondateurs d'Abertis, dont il a détenu jusqu'à 25% du capital entre 2002 et 2011.

En 2006, il avait été l'un des chefs de file d'un premier projet de fusion entre Abertis et Autostrade, ancêtre de l'actuel Atlantia, qui avait échoué à cause de l'opposition du gouvernement italien.

Aujourd'hui, ACS s'apprêterait donc à faire pression dans le sens inverse, mais l'opportunité d'un retour d'Abertis dans le giron de son fondateur fait débat parmi les analystes espagnols.

Alors qu'ACS s'est fortement désendetté ces dernières année, "il semble compliqué de modifier cette stratégie pour une société (...) qui ne fait pas partie de son activité principale", estime le cabinet Renta 4.

Très internationalisé, ACS ne réalise que 13% de son chiffre d'affaires en Espagne. Outre des autoroutes partout dans le monde, la multinationale aux 176.000 employés s'enorgueillit d'avoir construit métros, ponts, aéroports et gratte-ciel dans de multiples villes dont New York, Londres, Dubai et Hong Kong.

En outre, rappelle Renta 4, la somme totale à débourser serait d'environ 32 milliards d'euros en incluant la dette d'Abertis, soit "trois fois la capitalisation boursière actuelle d'ACS". La somme équivaut également à l'intégralité du chiffre d'affaires d'ACS en 2016.

Pour les analystes de Bankinter, la fusion aurait au contraire "un sens stratégique particulier" en raison du passé commun des deux groupes ibères.

A la Bourse de Madrid, les investisseurs étaient sceptiques: le titre ACS perdait plus de 5% à la mi-séance, tandis qu'Abertis progressait de 0,91%, dans un marché en baisse de 0,70%.

Dans tous les cas, l'intérêt manifesté par ACS pourrait bien inciter d'autres investisseurs à sortir du bois, en proposant plus d'argent qu'Atlantia aux actionnaires d'Abertis.

"C'est un fait que les banques d'investissement étudient de possibles contre-offres", affirment les analystes de Bankinter, rappelant que "début juillet avait filtré l'intérêt de JP Morgan et Globalvia", fonds espagnol spécialiste des infrastructures.

Pour Bankinter, l'intérêt des grands fonds pour Abertis vient du "profil +vache à lait+" des actifs de la société espagnole, dont le premier marché est la France, où elle gère 1.760 km d'autoroutes à péages via la Sanef.

Abertis voit d'"importantes opportunités" dans l'Hexagone, où des contrats avec le gouvernement lui garantissent prolongements de concessions et hausses de tarifs en échange d'investissements.

En Italie, les actionnaires d'Atlantia, qui compte financer son OPA principalement en s'endettant, devraient débattre du sujet lors de l'assemblée générale prévue le 2 août.

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