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Bettencourt: les "écoutes", une question "d'intérêt public", selon les prévenus

"Protéger Liliane Bettencourt" et "publier des informations d'intérêt public" : l'ex-majordome de l'héritière de L'Oréal et cinq journalistes, poursuivis en appel pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" de la milliardaire, n'ont pas varié mercredi dans leur défense.

Au coeur de ce nouveau procès figurent les fameux enregistrements clandestins réalisés entre 2009 et 2010 par Pascal Bonnefoy, l'ancien maître d'hôtel de Liliane Bettencourt, à l'insu de sa patronne, et dont des extraits avaient ensuite été retranscrits par Médiapart et Le Point en juin 2010.

Ces retranscriptions révélaient notamment la santé déclinante de la femme la plus riche de France, mais aussi des soupçons de fraude fiscale et d'immixtions politiques, notamment de l'Elysée sous la présidence Sarkozy, dans la procédure pour abus de faiblesse. Elles avaient fait basculer un simple conflit de famille en une affaire d'Etat.

En première instance, les six prévenus ont tous été relaxés, mais le parquet de Bordeaux a fait appel de cette relaxe générale. Liliane Bettencourt, âgée aujourd'hui de 94 ans et placée sous tutelle, n'a en revanche pas fait appel et n'est donc pas représentée à l'audience.

"Ces enregistrements étaient-ils d'intérêt public ? La réponse était évidente. Chaque ligne de ce papier je les valide encore aujourd'hui mot pour mot", se défend Fabrice Lhomme, alors journaliste à Mediapart, répétant avoir pris soin d'"écarter les nombreux passages qui auraient pu avoir un caractère intéressant, voire croustillant" sur les relations de Mme Bettencourt et de sa fille.

Outre Fabrice Lhomme sont poursuivis Fabrice Arfi pour Mediapart, et son directeur de publication, Edwy Plenel, ainsi que, pour Le Point, le journaliste Hervé Gattegno et son directeur de publication de l'époque, Franz-Olivier Giesbert, absent au procès. Tous doivent répondre de "détention et utilisation de documents portant atteinte à l'intimité de la vie privée", des faits passibles d'un an de prison et 45.000 euros d'amende.

- "Utilité démocratique" -

Insistant lui aussi sur le tri opéré entre "informations d'intérêt public" et "tout ce qui pouvait avoir trait à la vie privée des personnes", Fabrice Arfi rappelle comment les enregistrements ont aussi permis de mettre en évidence "des dysfonctionnements de la justice" quand l'affaire a commencé d'être examinée à Nanterre.

Tous les journalistes ont souligné, comme en première instance, le paradoxe de ces poursuites alors que les "écoutes" ont été utilisés comme "preuves" pour condamner des membres de l'entourage de Liliane Bettencourt pour "abus de faiblesse", dont le photographe François-Marie Banier.

Une "utilité démocratique", a plaidé Edwy Plenel, pour qui "s'il y a aujourd'hui un parquet financier, une haute autorité de la transparence de la vie publique, cela est né de révélations journalistiques".

Le président, Michel Regaldo Saint Blancart, interroge à plusieurs reprises les prévenus sur la nécessité d'avoir diffusé des passages dévoilant la surdité et les difficultés cognitives de la milliardaire.

"La situation de faiblesse de Liliane Bettencourt était au coeur de cette affaire. L'important n'était pas la santé de Mme Bettencourt, mais les questions d'intérêt public" qu'elle posait, répond Fabrice Arfi. "Illustrer l'emprise de M. Banier sur Liliane Bettencourt, c'était totalement fondamental", rappelle Fabrice Lhomme, évoquant le poids et l'enjeu économique représenté par le groupe L'Oréal.

Interrogé avant les journalistes, Pascal Bonnefoy, poursuivi pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" a, lui, défendu la méthode des enregistrements clandestins. Le seul moyen, selon lui, pour "protéger" sa patronne, et "pour qu'on puisse comprendre dans quel état de vulnérabilité elle se trouvait". "Mme Bettencourt n'était pas consciente de sa maladie, les enregistrements expliquaient concrètement les choses", a-t-il expliqué.

En première instance, le tuteur de Mme Bettencourt, Olivier Pelat, avait fait l'éloge de l'ancien employé, entré en 1989 au service des Bettencourt, "un homme bien qui a fait ce qu'il fallait faire" pour protéger sa patronne.

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