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Comptes truqués d'Altran: pas de sanction pénale pour l'"Enron à la française"

Le tribunal correctionnel de Paris a refusé jeudi de condamner Altran et plusieurs anciens dirigeants, dont ses fondateurs Alexis Kniazeff et Hubert Martigny, parce qu'ils avaient déjà été sanctionnés par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour des malversations vieilles de 15 ans.

Pour trois anciens cadres de la société de conseil en technologie, qui n'avaient eux pas été sanctionnés par l'AMF, le tribunal s'est montré clément, en soulignant notamment qu'ils n'avaient pas eu affaire à la justice depuis les faits, remontant à 2001 et 2002.

Il a prononcé une relaxe, une condamnation mais assortie d'une dispense de peine, et une peine de trois mois de prison avec sursis.

Le Parquet national financier (PNF) estimait au contraire que le gonflement artificiel du chiffre d'affaires d'Altran de plusieurs dizaines de millions d'euros en 2001 et au premier semestre 2002 méritait encore une sanction pénale.

Contre les deux fondateurs septuagénaires, et contre deux autres anciens membres de l'état-major d'Altran, Frédéric Bonan et Michel Friedlander, le PNF avait requis deux ans de prison avec sursis, et 375.000 euros d'amende chacun.

"C'est une décision très importante qui est parfaitement révélatrice de l'évolution du droit dans la limitation des doubles poursuites", s'est réjoui Me Hervé Temime, avocat d'Alexis Kniazeff, en parlant d'une "révolution judiciaire en marche".

La révolution en question date d'une décision du Conseil constitutionnel de mars 2015, traduite ensuite dans une loi, qui interdit de punir deux fois les mêmes faits, devant l'AMF et devant un tribunal.

Cette décision elle-même découle d'un grand principe juridique, celui du "non bis in idem" (pas deux fois pour la même chose) consacré par le droit européen.

Pour ce qui concerne Altran, cinq des huit prévenus qui ont comparu devant le tribunal de Paris avaient été sanctionnés en 2007 par l'AMF pour des montants allant de 500.000 à 1,5 million d'euros pour la société elle-même.

- 'Petit Enron à la française'-

Donnant lecture d'une partie du jugement, le président a estimé que les infractions pénales de "faux et usage de faux", "diffusion d'informations trompeuses" et "comptes inexacts", passant par l'émission de fausses factures et la "tenue rigoureuse d'une double comptabilité", étaient "parfaitement constituées".

Mais pour le tribunal, il n'en faut pas moins considérer que l'action publique est "éteinte" après la sanction de l'AMF.

Par conséquent les agissements des prévenus concernés par cette sanction "ne peuvent donner lieu à une nouvelle déclaration de culpabilité", a dit Olivier Géron.

Ce même président a récemment prononcé une relaxe générale dans une spectaculaire affaire de fraude fiscale impliquant les héritiers de la riche famille de marchands d'art Wildenstein.

L'affaire Altran, qualifiée de "petit Enron à la française" en référence à l'un des plus grands scandales comptables de l'histoire des Etats-Unis, avait depuis longtemps tourné au ratage judiciaire avec valse des juges d'instruction et procédure bâclée.

Cela avait conduit en 2014 un tribunal à prendre une décision rarissime: refuser de juger, après trois semaines de procès et un délai de quatre mois pour délibérer.

L'affaire des malversations comptables du courtier américain en énergie Enron, d'une ampleur bien plus grande, et qui avait éclaté peu ou prou au même moment que le scandale Altran, avait connu son épilogue judiciaire dès 2006.

L'ancien PDG d'Enron avait été condamné à un peu plus de 24 ans de détention, une peine par la suite réduite à 14 ans.

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