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Emmanuel Besnier, l'homme invisible à la tête du géant du lait Lactalis

"Wanted Emmanuel Besnier PDG de Lactalis". L'affiche façon western placardée par les producteurs en lutte contre le géant mondial du lait résume bien la position atypique de ce grand patron qui a fait d'une absolue discrétion sa marque de fabrique

"Il est dans la tradition de son père, c'est à dire, +on ne communique pas, on conduit sa barque+", analyse l'ancien ministre Jean Arthuis (Alliance centriste), qui, lors de plusieurs mandats d'élu en Mayenne, a rencontré le PDG, propulsé à 30 ans à la tête du groupe après la mort brutale de son père.

Né en 1970, Emmanuel Besnier, 13e fortune de France selon Challenges, vivait encore il y a quelques années dans une commune proche de la préfecture de la Mayenne, à Entrammes, où sa famille dispose d'un château dans la forêt.

"Avant, ses enfants étaient scolarisés dans un établissement privé de Laval. Mais, depuis quelques années, toute la famille a déménagé à Paris", selon un journaliste local.

A Laval, cet homme de haute taille, aux yeux clairs derrière ses verres de lunettes, n'apparaît guère dans la vie publique, et jamais dans les médias.

"Il cultive à l'évidence la discrétion. Localement, ce n'est pas quelqu'un qui prend position. Il n'est absolument pas dans les organisations patronales", relève Guillaume Garot, député (PS), maire de Laval de 2008 à 2014, et ancien ministre délégué en charge de l'Agro-alimentaire.

"A chaque fois que je l'ai rencontré, ça a toujours été dans le cadre de relations professionnelles, en lien avec son entreprise (...) C'est quelqu'un de très concentré sur ses dossiers. Avec une équipe de cadres très soudée. Il dirige son entreprise, c'est tout", note M. Garot.

Et d'ajouter: "Lui, il a une vision d'entreprise de niveau mondial. On est donc dans une perspective très différente. Lui considère que le monde est dur, que la compétition est dure, que la France doit s'adapter et que son entreprise doit être au niveau".

- 'Rester discret' -

Groupe familial depuis sa création en 1933, Lactalis est présent dans une quarantaine de pays, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 17 milliards d'euros... mais des comptes jamais rendus publics.

"Il faut peut-être saluer celui qui résiste aux emportements médiatiques" de l'époque, considère le député européen Jean Arthuis. "Quand on n'a plus prise sur la réalité, on communique. Il y a un vieil adage mayennais qui dit: +le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit", tente-t-il en guise d'explication.

Le président de la chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine, Marcel Denieul, livre son lait à Lactalis mais "je ne l'ai jamais rencontré", de même que "très peu de personnes de la filière laitière l'ont rencontré", dit-il à propos d'Emmanuel Besnier.

De ce dernier les rares photos dans les médias datent d'il y a une dizaine d'années. "Rester discret n'est pas nécessairement louche. Ça peut être un choix de vie (...) La notoriété implique un mode de vie plus contraignant et on a le droit de ne pas avoir envie de ça", considère M. Denieul.

"Le jour où il y a eu la décision de faire du groupe Besnier le groupe Lactalis, c'était aussi une volonté de protéger la famille (...) Mon sentiment, c'est qu'il faut bien dissocier la personne humaine de ses responsabilités", explique Marcel Denieul.

Il y a quand même un centre d'intérêt autre que Lactalis dans la vie d'Emmanuel Besnier: le football. Mais quand le PDG du groupe assiste aux matchs, il le fait derrière une vitre teintée... Et il arrive dans sa loge après le début du match et en part avant la fin.

Et malgré ses énormes moyens, le groupe n'est que le deuxième sponsor du stade Lavallois.

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