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Entre l'homme et la forêt, les pompiers "pied à pied" contre le feu

Pied à pied, adossés à des habitations distantes parfois de quelques mètres, les pompiers ont lutté en Gironde pour que l'incendie de forêt, qui brûle depuis vendredi, n'atteigne aucune habitation, un défi qui, dimanche après-midi, était relevé.

A 200/300 m à peine de quelques maisons évacuées, dans le quartier boisé Toctoucau de Pessac, à 20 km de Bordeaux, des camions de 3.000, 6.000 ou 12.000 litres d'eau "crachent", autrement dit actionnent leur lance, sur un tapis plus ou moins fumant, plus ou moins chaud, mais où l'absence de flammes est trompeuse.

Jet élargi en surface quand le sol n'est pas trop tourbeux, jet "bâton" puissant pour "aller taper dedans", soulever 15-20 cm de terre et noyer les points chauds sous la surface: les soldats du feu traitent sur mesure les parcelles qu'ils croisent et, à la lisière, sur le périmètre du feu (15-16 km environ avec de larges secteurs non brûlés).

L'enjeu est double: s'assurer que ce sous-sol encore chaud ne resserve pas de combustible, si les vents aidaient à relancer l'incendie, et éviter que "les zones de non-brûlé (à l'intérieur du périmètre) ne deviennent pas du brûlé", explique le lieutenant-colonel Eric Pitault, près d'un semis de pins encore fumant, jouxtant une parcelle intacte, fougères et bruyères resplendissantes sous les hauts pins.

A Toctoucau, quartier vers lequel le feu avait progressé samedi, une rue offre la vision saisissante d'un tapis brûlé, mais éteint, s'arrêtant juste au bord d'une étroite route, de l'autre côté de laquelle se tiennent de jolis pavillons. Arborés.

- C'est l'homme qui crée le risque feu -

"C'est cette interface entre la ville et la forêt qui est compliquée", résume le commandant Sébastien Capel, des sapeurs-pompiers de la Gironde. "A voir les images d'incendies, on s'imagine parfois que le feu de forêt vient menacer l'homme. En fait, le feu suit l'homme. C'est l'homme, qui vient s'enserrer dans la forêt et qui crée le risque de feu." Avec son habitat, ses pratiques, ses imprudences.

"La distance entre cette maison et la zone dangereuse est de 10 à 15 mètres, dans certains cas cela peut-être plus court", explique le colonel Jean-Paul Decellières, directeur du Service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de Gironde, au ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, venu sur place dimanche.

La protection des hommes et des habitations est la priorité stratégique, mais elle peut mobiliser un maximum de moyens en lisière, les détournant de la lutte contre le cœur de l'incendie. C'est ce qui s'est passé samedi soir, avant que les pompiers ne stabilisent l'incendie en fin de nuit.

Et le patron des pompiers de Gironde d'avancer au ministre des pistes d'urbanisme: "C'est tout cet espace habitat-forêt qu'il faut retravailler sur un plan technique, pour arriver à le sécuriser. Sinon, on sera toujours en configurations compliquées à la lisière entre zones habitée et boisée, a fortiori avec la pression foncière par ici."

- 'Que le feu n'ait plus rien à manger' -

Derrière le convoi ministériel, un camion asperge le talus noirci d'un produit rose vaguement rose bonbon: du retardant, une mousse visqueuse "qui vient se coller sur la végétation et empêche qu'elle serve de combustible". Avec l'eau moussante, une autre arme dans la lutte "terrestre" des soldats du feu.

Incendie stabilisé, vent faible: le danger dimanche n'était pas manifeste, mais dans la nuit de samedi à dimanche, deux camions de pompiers ont tout de même été endommagés par le feu, les équipages devant actionner le système d'alerte à bord. C'est que dans le massif forestier de Gascogne, à la différence des garrigues ou maquis du Sud-Est, l'abondance de pare-feux, de voies d'accès ou l'espace entre les grands pins permettent aux pompiers et à leurs véhicules "d'aller au contact".

Contre la montre, en craignant une reprise des vents, les pompiers traitaient dimanche un maximum de terrain, s'assurant que le feu, "s'il se redynamise, n'aura rien à manger". Ils savent aussi qu'avec les renforts, c'est d'une force de frappe de sept avions, dont quatre Canadair, dont ils disposeront désormais pour noyer une reprise.

Chacun sait pourtant que c'est à pied que le travail se finira, un long chantier pour éradiquer les points chauds. "C'est comme à la guerre: on n'a jamais vu un ennemi se rendre à une aviation, mais à des troupes au sol..." commente un pompier.

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