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En Espagne, les banques s'alarment à l'idée d'une Catalogne indépendante

Les banques espagnoles ont tiré vendredi le signal d'alarme face au risque de sécession de la Catalogne à neuf jours d'élections régionales cruciales, rejoignant les appels au dialogue entre Madrid et Barcelone des entrepreneurs et des économistes.

Dans une déclaration inédite, les associations bancaires AEB et Ceca ont mis en garde contre "les risques que comporterait pour la stabilité financière toute décision politique qui violerait l'ordonnancement juridique en vigueur et entraînerait une exclusion de l'Union européenne et de l'euro" de la Catalogne.

Le président de cette riche région du nord-est du pays, Artur Mas, s'est lancé de toutes ses forces dans la campagne en faveur de l'indépendance et compte faire des élections régionales du 27 septembre un plébiscite en faveur de ses idées.

Il a promis à ses partisans de lancer, si son camp obtient une majorité absolue de députés au parlement régional, un processus pour arriver à l'indépendance d'ici 2017.

Le monde des affaires espagnol a longtemps gardé le silence, au moins en public, dans le bras de fer que se livrent depuis des années Barcelone et Madrid. Mais, la perspective de voir les indépendantistes gagner ce scrutin les fait sortir de leur réserve.

AEB et Ceca, qui regroupent des poids lourds du secteur bancaire espagnol, comme Banco Santander, CaixaBank, BBVA, Banco Sabadell, Bankia, mais aussi des étrangères, comme BNP Paribas, Citibank, HSBC et Société générale, avertissent que ses membres pourraient être amenés à "revoir leur stratégie d'implantation" en Catalogne.

Certains n'y possèdent que des agences ou des succursales, mais d'autres comme CaixaBank et Sabadell y ont leur siège.

La conséquence immédiate serait une "réduction de l'offre bancaire et avec cela, une exclusion financière, un renchérissement et une pénurie de crédits" pour les particuliers comme pour les entreprises, préviennent les banques en prenant clairement parti dans un débat très politique.

- Rétablir le dialogue -

Cette annonce a fait plonger la Bourse de Madrid sous les 3%, signe de la fébrilité des investisseurs.

Ils ne sont pas les seuls à s'inquiéter. Une vingtaine d'économistes, d'entrepreneurs et de présidents de fédérations patronales ont témoigné mardi dans les pages du journal économique Expansion en faveur d'une Espagne unie.

Une rupture aurait des conséquences économiques dramatiques aussi bien pour la Catalogne que pour l'ensemble du pays, qui sort à peine d'une grave crise et se débat toujours avec un taux de chômage de plus de 22%, expliquent-ils. La Catalogne représente 19% du PIB de l'Espagne. Elle est responsable d'un quart de ses exportations.

Une sécession produirait "une délocalisation d'entreprises, une chute des investissements et du PIB, du revenu par habitant, du niveau d'emploi et en définitive du bien-être social", énumérait vendredi le Cercle des entrepreneurs, fédération patronale représentant de grands groupes espagnols et internationaux basé à Madrid.

Depuis Barcelone, le patronat appelle aussi les dirigeants politiques à tout faire pour en arriver à une telle extrémité.

"Ce que nous demandons à nos dirigeants, (c'est) qu'ils soient capables de rétablir le dialogue rompu il y a trois ans, qu'ils ouvrent une négociation et puissent parvenir à un accord dans un délai de six à douze mois", a fait savoir Joaquim Gay de Montella, président de la puissante organisation patronale catalane Fomento del Trabajo, dans une interview à l'AFP.

Du côté de Madrid, le ministre de l'Economie, Luis de Guindos, est aussi monté au créneau, pour rassurer les investisseurs. Il réalisera une tournée des principales agences de notation, lors d'un déplacement à Londres, New York et Washington la semaine prochaine.

"Mon message aux investisseurs est que l'indépendance n'aura pas lieu", martèle-t-il dans une interview au Financial Times.

Quant au durcissement des conditions de crédit pour l'Espagne sur les marchés financiers, il s'explique pour lui par "l'incertitude politique entourant les élections législatives" espagnoles prévues en décembre, marquées par l'émergence d'un parti de gauche radicale, Podemos, et "pas par la Catalogne".

Les conservateurs du Parti populaire (PP) au pouvoir risquent de perdre leur majorité après ce vote et pourraient être remplacés par un gouvernement de coalition, ce qui serait une première pour l'Espagne depuis le rétablissement de la démocratie.

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