Accueil Actu

Hôtellerie: des salariés et ex-salariés du Bristol se disent "brisés" au travail

Des salariés en souffrance, d'ex-salariés "brisés", "blessés": une dizaine d'employés du palace parisien Le Bristol ont témoigné cette semaine de leur mal-être au travail, un constat rejeté par la direction qui évoque des cas "individuels".

"On ne veut pas faire d'amalgame entre des situations individuelles que nous regrettons et la situation globale de l'entreprise", explique la direction de l'établissement cinq étoiles. Face aux critiques, elle fait état d'un sondage réalisé de façon anonyme parmi le personnel "extrêmement positif", ayant donné en 2014 la note "exceptionnelle" de 4,16 sur 5, contre 3,46 en 2010.

En face, un autre son de cloche. Un ancien salarié du room-service licencié pour une broutille, un autre accusé de vol, une employée du service réservations victime de harcèlement en arrêt maladie depuis 10 mois... Autant de cas évoqués lors d'une rencontre jeudi à Paris.

Une souffrance qu'une vingtaine d'entre eux sont allés raconter à la Direction régionale de l'Inspection du travail le 17 mars. "On veut pousser un cri d'alarme. Il faut que ça s'arrête, que la direction et les propriétaires prennent conscience que le management mis en place conduit à la souffrance de beaucoup de personnes", explique Ali Elouadifi, délégué syndical CGT.

Ce nouveau mode de management, ils l'attribuent à l'arrivée en 2010 à la tête du palace parisien de Didier Le Calvez, élu en début d'année "meilleur directeur d'hôtel du monde" par le Gallivanter's Guide. ll a fait partir les anciens pour prendre des jeunes moins bien payés, expliquent-ils. La CGT, majoritaire jusqu'aux élections professionnelles de mai 2014, minoritaire depuis, dénonce sa "stigmatisation". Une ancienne élue FO parle d'une volonté de "diminuer (le rôle) des syndicats", c'est-à-dire ceux présentés comme n'étant "pas de bons partenaires sociaux".

Pour la direction, la CGT a été "clairement marginalisée par les salariés" lors de ces élections où le taux de participation "record" a atteint 84,6%.

- Vol de tranche de jambon -

Depuis 2010, 500 départs de l'établissement ont été enregistrés, disent les élus syndicaux. Sur ces 500 départs, assure de son côté la direction, 70% correspondent à des fins de stage ou de CDD, des démissions, des départs en retraite ou des décès. Elle fait valoir aussi que les effectifs sont passés de 497 en 2010 à 628, avec un turn-over "habituel et spécifique" au secteur de l'hôtellerie-restauration.

Le palace souligne lutter depuis quatre ans contre l'emploi précaire, avec "140 CDI" créés. Contrairement à d'autres hôtels de luxe, il a aussi réalisé d'importants travaux, à hauteur de "150 millions d'euros, "sans fermeture ni plan social, avec maintien des emplois".

"Sur les 11 ou 12 concierges qui étaient là en 2011, il en reste aujourd'hui seulement deux", observe Olivier David, 46 ans, licencié en octobre 2011 après une accusation de vol dont il sera finalement blanchi.

Ancienne élue FO, Marie-Laurence Pouyat, 19 ans passés au service réservations, explique comment sa situation s'est progressivement dégradée, victime de "pressions" du fait de son mandat syndical, "harcelée", traitée "comme un mouton noir". "Plus personne ne me parlait, j'étais au fond du trou, j'ai pensé au suicide", confie-t-elle. Elle est en arrêt maladie depuis 10 mois.

Nombre des salariés licenciés ont engagé un recours aux prud'hommes.

"Ils ont brisé ma vie", témoigne Christos Zigouris, 56 ans, licencié en 2013 après 29 ans de carrière. Assistant responsable mini-bar, plus ancien employé de son service, il a été mis à pied puis licencié pour "une histoire de tranche de jambon oubliée dans le mini-bar par un client" et qu'on l'a accusé d'avoir volée, raconte-t-il.

"Moi qui avais une grosse responsabilité car je visitais la moitié des chambres de l'hôtel, j'en ai vu des choses de valeur. Si j'étais malhonnête, je n'aurais pas pris une tranche de jambon!", lance-t-il, amer. "Je suis blessé. Est-ce qu'il y a une réparation pour ça? Non".

À la une

Sélectionné pour vous