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Japon: l'Assemblée adopte une réforme du travail très critiquée

La chambre basse du Parlement japonais a adopté jeudi une réforme du travail censée revigorer la troisième économie du monde, mais ses détracteurs préviennent qu'elle risque en réalité d'aggraver le problème de mort par surmenage.

Cette législation, qui doit encore être approuvée par le Sénat, comporte un ensemble de mesures destinées à changer la façon de travailler au Japon, leitmotiv du Premier ministre Shinzo Abe qui a promis de redonner son lustre à l'archipel via sa stratégie "abenomics" initiée fin 2012.

Selon ce texte, voté sous les huées de l'opposition, certaines catégories de salariés bénéficiant de rémunérations élevées (au moins 10,75 millions de yens par an, ou 84.000 euros), tels que les courtiers ou les consultants, pourront désormais être embauchés sur des contrats spéciaux sans paiement des heures supplémentaires effectuées.

Les employeurs devront toutefois obtenir l'autorisation des professionnels concernés.

Concernant les contrats classiques, la loi instaure un plafond pour limiter le nombre d'heures supplémentaires, à 360 heures par an, voire à 720 heures dans certaines situations exceptionnelles.

Dans les périodes d'activité intense, les compagnies pourront demander à leurs salariés d'oeuvrer jusqu'à 100 heures de plus par mois, alors même que la barre des 80 heures marque l'entrée dans la zone à risque de "karoshi" (mort par excès de travail), selon la définition des autorités.

Parmi les autres mesures, figurent la promotion du télétravail, la possibilité pour les employés de bureau d'arrondir leurs fins de mois en développant d'autres activités et la réduction des disparités salariales entre contrats précaires (intérim, temps partiel...) et à vie.

Le gouvernement, par la voix de son porte-parole Yoshihide Suga, s'est félicité de l'adoption d'une loi "qui permettra à chacun de choisir son style de travail".

"En même temps, les professionnels hautement qualifiés pourront pleinement exercer leurs compétences et créativité sans être bridés par des contraintes horaires", a estimé M. Suga.

Quant au plafond, s'il n'est pas respecté, les entreprises seront passibles de sanctions financières, "une mesure fondamentale pour éradiquer les heures supplémentaires illégales" selon ce haut responsable japonais.

Actuellement, la durée légale de travail est au Japon de 40 heures par semaine, complétée par un plafond théorique de 45 heures supplémentaires par mois qui vole en éclats quand existe un accord d'entreprise.

"Nous pensons que cela va grandement contribuer au bien-être des salariés et au développement de l'économie japonaise", a insisté M. Suga au sujet de la nouvelle loi.

La durée excessive de labeur freine aussi la productivité des salariés (certains ralentissent le rythme pour gagner plus d'argent grâce aux heures supplémentaires payées) et dissuade les mères de travailler, alors que le Japon manque cruellement de main-d'oeuvre.

Des voix se sont toutefois élevées contre un texte qui "pourrait augmenter au contraire le risque de karoshi", selon le témoignage au Parlement d'Emiko Teranishi, dont le mari s'est suicidé en 1996, éreinté par d'interminables heures du travail.

Les sceptiques accusent ainsi la loi de graver dans le marbre des pratiques nées dans l'après-guerre, où la valeur attribuée aux "salarymen" dépend de leur endurance, une situation responsable du décès de centaines de personnes par an.

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