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Le gotha économique contraint d'examiner les failles de la mondialisation

Brexit en Europe, Donald Trump aux Etats-Unis: la vague protectionniste contraint les dirigeants économiques du globe réunis à Washington à se livrer à un difficile examen de conscience et à une très inhabituelle critique de la mondialisation.

"Du référendum britannique à la campagne aux Etats-Unis (...) il y a un dénominateur commun: de plus en plus de gens n'ont pas confiance dans les élites, dans les dirigeants économiques et politiques", a estimé le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, venu à Washington pour l'assemblée annuelle FMI-Banque mondiale et un G20-Finances.

D'ordinaire, ce grand raout économique semestriel résonne pourtant d'appels passionnés en faveur du libre-échange et de la libéralisation du commerce, censés porter la croissance mondiale.

Mais le contexte politique ne s'y prête guère. Aux Etats-Unis, à un mois d'une élection présidentielle indécise, le candidat républicain Donald Trump continue de séduire les foules en promettant une guerre commerciale avec la Chine, accusée de faire stagner les salaires américains et l'imposition de représailles douanières contre le Mexique.

De l'autre côté de l'Atlantique, le vote britannique de la fin juin en faveur du Brexit menace de faire reculer l'intégration économique en Europe sur fond d'emplois en berne. Le traité de libre-échange en discussion avec les Etats-Unis, le fameux TTIP, rencontre par ailleurs une forte résistance sur le Vieux Continent.

De la Chine aux Etats-Unis en passant par la Grande-Bretagne, les grands argentiers du globe ont dû l'admettre: la mondialisation fait des mécontents.

"La croissance (économique) n'est pas équitable, la distribution des revenus n'est pas équitable. C'est cela qui explique cet attrait sentimental pour la démondialisation", a relevé le vice-gouverneur de la banque centrale chinoise, Yi Gang, lors d'un panel à Washington.

Les appels du FMI et de la Banque mondiale à chasser les "sombres nuages" du protectionnisme et du repli sur soi sont pour l'heure restés vains.

Selon le gouverneur de la Banque d'Angleterre, il faut du temps avant que les "fruits" du commerce mondial ne puissent être récoltés. "Pendant cette période, il faut redistribuer et reconnecter la population avec l'économie mondiale", a estimé Mark Carney.

- Infléchissement -

La tâche n'est pas mince dans un contexte de croissance économique et de chômage de masse qui offre un "terrain fertile" au mouvement protectionniste, selon l'expression de la patronne du FMI Christine Lagarde.

Personne à Washington n'appelle toutefois à remettre en cause radicalement la mondialisation et l'ouverture des frontières économiques, qui ont, selon la Banque mondiale, permis d'extirper 100 millions de personnes de la pauvreté en un quart de siècle.

La mondialisation "doit être légèrement différente" et "ne peut pas se résumer à la promotion du commerce international telle qu'on l'a vu dans l'histoire", a ainsi résumé Mme Lagarde, appelant notamment à se pencher davantage sur ceux "qui risquent d'être laissés sur le bord du chemin".

L'ONG de lutte contre la pauvreté Oxfam salue cette prise de conscience, mais reste sceptique.

"La colère contre les élites à travers le globe est un symptôme d'une fureur généralisée contre une économie qui bénéficie aux 1% (des plus riches). Nous devons avoir une économie qui fonctionne pour les autres 99%", a déclaré Max Lawson, un cadre de l'organisation.

Rééquilibrer et relancer la croissance en même temps: le défi n'est pas mince à l'heure où les politiques monétaires ultra-accommodantes des grandes banques centrales semblent avoir atteint leur limite et où la plupart des Etats riches se serrent la ceinture budgétaire.

L'Allemagne, avec ses excédents commerciaux et budgétaires, a été de nouveau pointée du doigt et sommée d'en faire plus pour la croissance mondiale. "L'Allemagne s'en sort bien économiquement parce qu'elle respecte les règles qui ont été fixées en Europe", a répondu sèchement M. Schäuble, excluant toute relance budgétaire.

A Washington, ces débats ont en tout cas éclipsé les craintes sur la flambée de la dette privée chinoise et sur le sort de la Deutsche Bank, menacée d'une lourde amende aux Etats-Unis et dont la fragilité financière inquiète les marchés. "Le plus tôt sera le mieux", a seulement glissé Mme Lagarde, se référant à un futur règlement du contentieux.

L'état de santé des pays pauvres est lui aussi passé au second plan en dépit d'une sombre conjoncture: la croissance économique en Afrique sub-saharienne devrait cette année être ainsi au plus bas depuis un quart de siècle.

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