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La polémique monte contre une "justice d'exception" au pied des pistes de Roissy

"Justice d'exception" ou "amélioration du sort" des étrangers appelés à comparaître ? La polémique enfle au sujet de l'ouverture prochaine à l'aéroport de Roissy d'une annexe du tribunal de Bobigny où doivent être jugés des étrangers non admis sur le territoire.

Lundi, une délégation d'une cinquantaine d'avocats, dont des représentants nationaux, ont réaffirmé leur opposition au projet, lors d'une visite de l'annexe organisée par Renaud Le Breton de Vannoise, président du TGI de Bobigny.

"En isolant cette juridiction, vous isolez ces gens", a dénoncé Valérie Grimaud, bâtonnière du barreau de Seine-Saint-Denis, depuis l'une des deux salles d'audience de ce petit bâtiment moderne, à quelques mètres des pistes.

C'est là que doivent être jugés à partir d'octobre les étrangers qui arrivent d'un vol international et ne sont pas admis à entrer en France. Chaque année, plus de 6.000 étrangers sont conduits dans la Zapi, la "zone d'attente pour les personnes maintenues en instance". Ce bâtiment où ils attendent leur jugement est attenant à l'annexe. Les étrangers arrivant à Roissy sont pour l'instant jugés au TGI de Bobigny, à une quinzaine de km de l'aéroport.

"Ici vont être jugés des gens démunis", pour lesquels les "résultats satisfaisants" sont "extrêmement faibles", en raison de la "technicité du contentieux", explique la bâtonnière.

Pour les avocats l'annexe bafoue des principes de la justice: droits de la défense ou "publicité des débats". Ils font valoir que le bâtiment est trop "isolé", difficilement accessible au public, au coeur de la zone de fret de l'aéroport de Roissy.

Ils ont écrit au nouveau ministre de la Justice, François Bayrou, pour lui demander de renoncer à ce projet, en gestation depuis des années.

En 2013, la garde des Sceaux de l'époque, Christiane Taubira, l'avait retoqué.

Il y a quatre ans, l'annexe était directement accolée à la Zapi et ne respectait pas les conditions "d'externalité", a rappelé M. Le Breton de Vannoise.

- Respect des 'principes fondamentaux'-

Depuis, une séparation a été faite entre ces deux bâtiments. Une signalétique qui permet de faire savoir aux étrangers "qu'ils entrent dans une enceinte judiciaire" a aussi été installée, détaille-t-il. Il ajoute: si le projet "n'était pas respectueux des principes fondamentaux, j'aurais été le premier à m'y opposer".

Le président du TGI vante les salles d'audience qui "respirent le neuf", montre l'ancienne salle d'attente qui doit être transformée "en salle de jeux", les pièces de travail spacieuses pour les avocats et les greffiers.

Pour lui, l'ouverture de l'annexe permet de faire un "saut" dans "l'amélioration du sort" des étrangers appelés à comparaître.

Actuellement, les étrangers jugés à Bobigny partent en car de la Zapi, avec valises et enfants, en espérant être libérés dans la foulée. Ils attendent parfois des heures dans une salle du TGI de Bobigny, au confort sommaire.

Reste que pour Valérie Grimaud, les gens placés en zone d'attente ne "demandent pas une salle d'audience confortable, ils demandent la garantie de l'expression de leurs droits".

Elle a aussi regretté que les fonds destinés à la construction du bâtiment n'aient pas été alloués au tribunal de Bobigny. "Cela aurait bénéficié à tous", a-t-elle dit. Les "personnes en zone d'attente" et "les citoyens de Seine-Saint-Denis qui y sont jugés tous les jours et pour qui un système digne n'est pas assuré".

Lundi, le Défenseur des droits a annoncé s'être autosaisi pour "vérifier les conditions dans lesquelles les droits procéduraux des personnes jugées pourraient être garantis" et "s'assurer que les conditions pour garantir la publicité des débats judiciaires et l'égalité des armes soient réunies".

Le président du TGI a de son côté annoncé que la date de la première audience expérimentale à l'annexe était fixée au 24 juin.

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