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Prix "décent", contrat chinois: l'insolente santé des Maîtres laitiers du Cotentin

Un lait acheté à prix "décent" aux producteurs, des achats d'entreprises, un contrat avec un leader chinois de la nutrition infantile: les Maîtres laitiers du Cotentin affichent une santé presque insolente en ces temps de crise laitière.

"Au vu de la dégradation des trésoreries dans les exploitations, il était de notre devoir de payer un prix, globalement pas suffisant, mais décent", a souligné mardi Christophe Levavasseur, producteur et depuis 16 ans président de la coopérative de 1.264 sociétaires dans 826 exploitations, lors de l'assemblée générale annuelle à Valognes (Manche).

Malgré "un marché exsangue", la coopérative a collecté plus de lait sur son dernier exercice clos fin mars et payé ses producteurs "au minimum" 25 euros de plus les 1.000 litres que le prix moyen national, a précisé le président de la coopérative basée à Sottevast, à 17 km de Cherbourg. Sur l'exercice 2015-2016, le prix moyen payé aux producteurs de la coopérative a été de 352,43 euros pour 1.000 litres.

Si les Maîtres laitiers n'avaient pas comblé l'écart, leur bénéfice aurait été plus élevé de 10 millions d'euros. Au final, la coopérative affiche un bénéfice net de 2,5 millions d'euros pour l'exercice 2015-2016 présenté mardi, soit plus du double qu'en 2014/2015.

Le chiffre d'affaires a baissé de 1,66%, à 326 millions EUR.

"Je vous félicite. Je pense à ceux qui n'ont pas la chance de livrer les Maîtres laitiers. Et je me demande si les industriels (concurrents des Maîtres laitiers, ndlr) ne s'en mettent pas plein les poches", est intervenu un coopérateur, Francis Capelle, lors de l'AG.

Sa réussite, la coopérative la doit en grande partie au fait de posséder un réseau de distribution, France Frais, a souligné M. Levavasseur. France Frais absorbe "35 à 40% de notre production. C'est une arme absolument phénoménale que beaucoup nous envient", a insisté l'agriculteur.

Le groupe Maîtres laitiers du Cotentin, a lui dégagé un bénéfice net de 13 millions d'euros (trois millions de plus qu'en 2014/2015) et un chiffre d'affaires de 1,7 milliard d'euros (+2,8%), avec 4.700 salariés. En 1999, les Maîtres laitiers employaient 600 personnes pour un chiffre d'affaire d'un milliard de francs.

Le groupe comprend aujourd'hui la coopérative, maison-mère, et ses filiales France Frais et Evoling qui inclut les fromages Réo et le glacier haut de gamme Pédone, deux marques que les Maîtres laitiers viennent de racheter.

Le groupe, dont les capitaux propres sont supérieurs à l'endettement, est à l'affût.

Il veut diversifier sa production dans des produits qui s'exportent plus loin que les produits ultra frais (90% de son chiffre d'affaires) que sont par exemple les yaourts. 17% de ses produits ultra frais sont exportés.

Ainsi, le lancement en avril 2017 de son usine en construction à Méautis (Manche) --114 millions investis et 200 emplois créés-- devrait lui permettre au "minimum" de maintenir le prix au producteur, selon sa direction. Car le groupe a signé un contrat de 11 ans avec Synutra, un poids lourds chinois de la nutrition infantile, à qui il doit fournir des briquettes de lait infantile via cette usine.

Certes, les Maîtres laitiers sont loin d'être seuls à lorgner sur le marché du "babyfood" chinois. D'autres Français et des Australiens investissent aussi. "Mais eux sont sur la poudre infantile", répond Jean-François Fortin, directeur général des Maîtres laitiers depuis 1987, interrogé par l'AFP.

La Chine ne convainc pas tous les producteurs. "J'ai une image de la Chine où les gens sont sous payés. J'ai pas envie de me transformer en productrice exploitée", a lancé pendant l'AG une exploitante qui n'a pas souhaité donner son nom.

Autre ombre au tableau: le groupe saura le 17 février s'il parvient à faire annuler en appel la décision début 2015 de l'Autorité de la concurrence de le condamner pour entente sur les prix avec dix autres fabricants, a indiqué M. Fortin qui est aussi président du Stade Malherbe de Caen. A ce titre il demeure mis en examen dans une affaire de match présumés truqués pour laquelle la ligue de football professionnel l'a blanchi.

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