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Qu'est-ce que le CETA? Explication du traité entre l'Europe et le Canada que la Wallonie peut stopper à elle-seule

Négocié depuis mai 2009 par la Commission européenne et le Canada, le CETA, traité de libre-échange entre le Canada et l’Europe, doit recevoir la signature des 28 Etats membres de l’Union européenne le 27 octobre, au cours d'un sommet Canada-UE qui aura lieu à Bruxelles.

Ces signatures permettront déjà sa mise en application, mais de manière provisoire et partielle. Le CETA n'entrera pleinement en vigueur qu'après sa ratification par les parlements nationaux, ce qui peut prendre des années.

Mais en Belgique, en vertu du Traité de Lisbonne, les parlements des Régions ont les mêmes pouvoirs que les parlements nationaux des autres pays. Le traité doit donc aussi être ratifié par les parlements des trois Régions: Flandre, Wallonie et Bruxelles.

Tous les pays d’Europe ont fini par dire oui au traité, sauf actuellement l’Autriche et la Pologne qui réfléchissent encore. Mais chez nous, le parlement de Wallonie s’y est opposé. Et même s’il finit seul contre tous, il a le pouvoir d’empêcher la ratification totale du CETA puisqu’elle nécessite obligatoirement leur accord.


En quoi consiste le CETA ?

L’objectif est de créer un marché commun, sans barrière douanière, pour stimuler les économies des deux partenaires.

Pour permettre la suppression de ces barrières douanières qui rendraient le commerce entre les deux plus facile, plus rapide et moins onéreux, chaque pays signataire d’un tel traité doit établir puis respecter des normes communes.

Ce sont ces normes et les mécanismes qui les régissent qui ont été négociés et sont stipulées dans les 1600 pages que constitue le CETA.


Une majorité contre en Belgique francophone

Elles concernent de très nombreuses matières, comme la production alimentaire, le respect de l’environnement ou encore la protection des consommateurs. Et c’est sur ces points que ça bloque pour la Wallonie, qui ne mène pas son combat seule. Chez nous, outre les politiciens francophones à l’exception du MR, on retrouve parmi les opposants au CETA des ONG, les mutualités, les syndicats, ou encore l’organisation de défense des consommateurs Test-Achats. Même des patrons de PME se sont exprimés contre ce traité qui les défavoriserait par rapport aux multinationales.

Mais les partis de droites, singulièrement en Flandre, et les représentants des grands patrons belges, eux, sont pour.

Voici répertoriés les arguments des uns et ceux des autres, détaillés dans la presse par chaque camp depuis plusieurs mois. 


Les pour ?

- Plus de choix pour les consommateurs

- Une baisse des prix annoncée

- Une stimulation des exportations accompagnée de la création d'emplois: chaque milliard d'euros d'exportations en plus équivaut à la création de 14.000 emplois supplémentaires en Europe


Les contre ?

- L’augmentation du choix et la baisse des prix ne sont pas garantis dans le traité, ils en sont les effets espérés

- Des pertes d’emploi de l’ordre de 200.000 à 600.000 postes en Europe ont été estimées par une étude de l’Université du Massachussetts en cas de ratification

- L’abaissement des normes environnementales et de protection du consommateur: Greepeace a révélé des documents confidentiels et selon eux, le principe de précaution actuellement en vigueur en Europe, qui veut qu’on ne commercialise pas un produit potentiellement dangereux pour l’environnement ou la santé, disparaitrait en cas de ratification

- L'abaissement des barrières tarifaires en matière agricole, qui aggraverait la crise dans laquelle nos agriculteurs d’Europe de l’Ouest se trouvent

- Une concurrence déloyale pour les agriculteurs : ce serait par exemple 65.000 tonnes de viande bovine qui devraient arriver sur le marché européen en provenance du Canada. De quoi mettre dans les ennuis les producteurs européens. Une forte production de viande de porc devait également arriver en Europe

- La qualité de l’alimentation en Europe régresserait: le Canada est producteur de viande aux hormones, contrairement à l’Europe qui en interdit d'ailleurs l'importation actuellement

- Les normes en matière de sécurité industrielle et de santé publique seraient moins fortes qu’aujourd’hui en Europe

- L'exception culturelle serait fortement réduite

- Des champs entiers de la santé et de l'enseignement pourraient être soumis aux lois du marché privé, puisque les mutuelles ou l'enseignement libre ne seraient plus considérés comme strictement publics

- Les frais de roaming entre le Canada et l’Europe, qui auraient pu disparaitre, resteraient, tout comme le géoblocage sur internet


Le tribunal d'arbitrage: la plus grosse crainte

Mais le plus gros point contre lequel les opposants au CETA se battent, ce sont deux systèmes qu’il met en place et ne rendent plus les Etats 100% libres d’appliquer la politique qu’ils souhaitent.

1) Le CETA prévoit un système d’arbitrage privé, qui permettra à des investisseurs privés d’attaquer des politiciens démocratiquement élus et de leur réclamer des amendes en cas de prise de décisions qui pénaliseraient leurs bénéfices. Résultat: les Etats seraient obligés de payer s’ils veulent réguler certains secteurs. Comme ces multinationales sont souvent américaines, le CETA est donc vu comme un cheval de Troie via lequel les multinationales américaines présentes en masse au Canada via leurs filiales pourraient attaquer les réglementations européennes qu’elles jugeraient défavorables.

2) Le mécanisme de coopération réglementaire, qui autorise les lobbys à avoir un droit de regard sur les futures réglementations qui vont être adoptées en Europe... avant même que les politiciens des Etats membres puissent en prendre connaissance. Résultat : les lobbys donc les multinationales deviennent partenaires dans les prises de décision politiques de l’Europe.

L’ampleur de ces critiques sur le CETA a fait résumer la situation et le refus de la Wallonie en ces termes: "Ce n'est pas un combat entre l'Europe et le Canada, mais entre les multinationales et la démocratie". Ces mots sont du chef de groupe Ecolo au parlement wallon Stéphane Hazée.


L'Allemagne veut pouvoir quitter le CETA si elle le souhaite

Ailleurs en Europe aussi, la population se montre aussi préoccupée par le CETA que les Belges francophones, avec des craintes de déréglementation généralisée et d’un recul du champ d'action des gouvernements.

Chacun lutte avec ses armes. En Allemagne par exemple, près de 200.000 citoyens et le groupe parlementaire du parti de gauche ont déposé des plaintes auprès de la Cour, jugeant que le CETA contrevient à la Constitution. Résultat : l’Allemagne exige du Canada et de l’Europe la garantie que leur pays pourra quitter le CETA à tout moment, au cas où leurs juges déclareraient finalement le traité anticonstitutionnel au regard du droit allemand, ce qui pourrait prendre plusieurs années.

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