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Racket sur des chantiers BTP à Marseille ? "Que des paroles" selon les prévenus

"Tous les Marseillais, c'est des tchatcheurs. Pour 10 euros, ils menacent leurs frères!" Les prévenus d'un vaste dossier de racket sur les chantiers marseillais ont rejeté les accusations d'extorsion au préjudice, notamment, de grands noms du BTP.

Mercredi et jeudi, la parole était, devant le tribunal correctionnel de Marseille, aux principaux prévenus dans un procès qui fait office de vitrine de la lutte contre des pratiques souvent subies en silence par les chefs de chantier: le chantage à l'embauche ou à l'attribution de marchés, par de gros bras spécialistes de l'extorsion.

"Si on commence à vous chercher, on vous trouve, comme on dit, vous avez la réputation de bagarreur!" lance la présidente Anouk Bonnet à Hadj Abdelkrim Bensaci, 41 ans, présenté comme "l'homme de main" d'une société de sécurité véreuse, Télésurveillance Gardiennage Intervention (TGI), au centre de ce procès.

L'affaire avait éclaté le 26 janvier 2015, à proximité de la cité Picon-Busserine dans les quartiers nord de Marseille, lorsque des malfaiteurs, jamais identifiés, s'en étaient pris à l'un des chantiers de la décennie à Marseille, la construction de la rocade autoroutière L2, qui traverse notamment les quartiers nord.

Trois engins de chantier, dont une foreuse sophistiquée de la société Bouygues Travaux Publics, une machine quasi unique en Europe, avaient brûlé pour un préjudice de plus de 2 millions d'euros. Troublante coïncidence, trois jours plus tard, le responsable du chantier recevait un devis de TGI pour assurer la sécurité des lieux.

Selon témoignages et écoutes, les racketteurs présumés n'hésitaient pas à négocier en exhibant une arme ou exigeaient de voir "direct les grands patrons" d'un chantier pour négocier, à coup de SMS comminatoires, les contrats de sécurité... Ils géraient des sociétés dans la plus complète illégalité, sans jamais reverser un euro aux impôts et sans agrément.

Hadj Abdelkrim Bensaci est décrit par les enquêteurs comme "l'homme de main chargé de relever, au besoin par la force, les règlements de la société TGI". "Que des paroles!" assure-t-il jeudi depuis le box des prévenus. Polo blanc, cheveux plaqués en arrière, l'ancien judoka, malade du coeur, préfère se présenter comme un "+rapporteur+ d'affaires" de la société TGI.

Les écoutes téléphoniques sont pourtant éloquentes: à Rafik Zeroual, le gérant de droit de TGI qui lui demande de récupérer une dette de 12.000 euros auprès d'un promoteur immobilier, il dit: "Nous, à Marseille, pour 50 euros, on tire, on plante, on fout le bordel. Pour nous 12.000 euros, c'est des milliards."

- Un monde avec ses propres règles -

"Rafik l'envoyait souvent pour mettre la pression aux responsables de chantiers, il se sert de mon mari", dit également l'ex-femme de M. Bensaci aux policiers, tout comme une autre témoin. Le promoteur, lui, raconte aux policiers avoir dû promettre la surveillance de deux autres chantiers pour calmer la colère de M. Bensaci.

La veille, l'autre "gros bras" de ce dossier, Halid Campaoré, ancien footballeur du club marseillais de Consolat, s'est également employé à polir son image: "Je ne cherche pas à influencer, mais je cherche à être convainquant" avec mes interlocuteurs, dit-il depuis le box, d'une voix douce agrémentée d'un léger cheveu sur la langue, contrastant avec un physique massif. Une force de conviction qui lui a permis de racketter et menacer les entrepreneurs qui voulaient travailler dans les quartiers nord, n'hésitant pas à bloquer des chantiers avec ses agents de sécurité pour obtenir gain de cause, selon l'accusation.

Pivot "incontournable" du business de la sécurité dans les quartiers nord selon les enquêteurs, ce chauffeur de bus marseillais de 39 ans joue dans un monde qui a "ses propres règles", souligne la présidente à l'audience.

A la barre, les prévenus ont regretté qu'aucune partie civile ne soit venue témoigner. Le seul témoin annoncé, un cadre d'une société victime de racket, s'est désisté jeudi: "Le contexte du procès, la pression des médias et la confrontation à des personnes auxquelles sont reprochés des faits délictueux, m'exposent bien au-delà (de mes) fonctions" professionnelles, a-t-il expliqué par écrit au tribunal.

Les réquisitions sont attendues vendredi.

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