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Russie: triste moisson pour les céréaliers, lésés par la crise

Engrais et semences hors de prix, taux d'intérêt exorbitants, restrictions sur les exportations: les temps sont durs pour les producteurs céréaliers en Russie et la moisson s'annonce d'ores et déjà bien moins abondante que l'an dernier.

"Nous ne sommes pas en mesure d'assurer une production équivalente à l'an dernier avec les mêmes fonds", prévient Arkadi Zlotchevksi, président de l'Union russe des céréaliers, interrogé par l'AFP.

Si l'inflation causée par l'effondrement du rouble n'épargne personne en Russie, les travaux agricoles sont affectés de manière particulièrement marquée.

Au total, selon les calculs de M. Zlotchevki, les coûts des agriculteurs ont augmenté de 40% par rapport à l'an dernier.

Les semences sont en grande partie importées (à 70% pour le maïs et le tournesol). Et si la Russie dispose de fabricants d'engrais parmi les plus puissants au monde, leurs prix sont fixés en dollars car il s'agit d'un marché international.

A l'approche des semis de printemps qui s'annoncent donc coûteux, l'inquiétude est d'autant plus forte qu'emprunter est quasi impossible, avec des taux d'intérêt des crédits aux agriculteurs à des niveaux atteignant parfois 30%, conséquence de la crise monétaire actuelle.

Visée par des sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne, la banque Rosselkhozbank (la moitié des crédits aux agriculteurs) a récemment prévenu qu'il lui manquait encore des fonds pour pouvoir assurer le financement des semis.

- 'Pas une catastrophe pour l'instant' -

"Tout cela va affecter la moisson, sans compter le fait que les semis d'hiver surtout de blé, se trouvent dans un état de grande faiblesse en raison de la sécheresse de la fin de l'été et du début d'automne", constate Andreï Sizov, directeur de la société de conseil SovEcon.

Selon cet expert, le pays, l'un des premiers exportateurs de céréales de la planète, devrait voir sa prochaine récolte ressortir entre 85 et 92 millions de tonnes, contre 104 millions de tonnes l'an dernier, ce qui constituait la deuxième moisson la plus abondante enregistrée depuis la chute de l'URSS.

"C'est une baisse notable, mais pas une catastrophe pour l'instant", poursuit-il, prévenant que des conditions climatiques pouvaient encore considérablement assombrir le tableau.

La production de blé est attendue par ce spécialiste entre 47 et 53 millions de tonnes contre 59 millions l'an dernier. De nombreux paysans pourraient en outre renoncer à cultiver du maïs, plus coûteux à faire pousser, au profit par exemple de l'orge.

Soucieuses de soutenir un secteur très dynamique ces dernières années et censé compenser le récent embargo sur les produits alimentaires européens et américains, les autorités multiplient les réunions consacrées au sujet.

Lors de l'une de ces rencontres fin février, le Premier ministre Dmitri Medvedev a promis des aides aux crédits afin que les taux d'intérêt reviennent entre 5% et 10%.

"Il est important que le secteur continue de croître malgré les risques macroéconomiques", a-t-il souligné, précisant que plus de 800 millions d'euros avaient déjà été versés depuis le début de l'année.

Les autorités de la concurrence ont en outre obtenu des producteurs d'engrais, qui se voyaient menacer de barrières douanières sur leurs exportations, de baisser leur prix d'environ 30% pour le marché intérieur.

- Difficile d'exporter -

Les représentants du secteur restent malgré tout alarmistes.

Dans une tribune au journal Vedomosti, le président de l'Union nationale des producteurs céréaliers Pavel Skourikhine, a estimé qu'accumulées, les augmentations de coûts pourraient représenter 60% d'ici la fin de l'année. "Et dans le même temps, on place les producteurs céréaliers dans des conditions non conformes au marché", a-t-il dénoncé.

Le gouvernement a en effet introduit au 1er février des barrière douanières sur les exportations de céréales pour décourager les agriculteurs à vendre leur production à l'étranger, ce qui était devenu particulièrement rentable avec la chute du rouble.

Les autorités espèrent ainsi augmenter l'offre localement et faire baisser les prix alors que le pain a subi des hausses marquées.

Cette mesure "a privé les producteurs agriculteurs d'une partie importante de leurs revenus", constate M. Sizov. "C'est le Sud, où se trouvent les principales régions exportatrices et qui ont pour principal concurrent la France, qui en souffrent le plus".

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