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Total fait un pas vers plus de transparence, mais limité selon les ONG

Total confirme sa volonté d'une plus grande transparence en publiant, comme promis, la liste complète de ses filiales et le rapatriement de certaines situées dans des paradis fiscaux, une mesure jugée positive mais insuffisante pour les ONG.

Conformément à sa promesse de début janvier, le géant pétrolier français a rendu publique sur son site internet la liste complète de ses 903 filiales actives dans le monde entier contre seulement 200 publiées jusqu'ici.

"Parce que nous avons à coeur de dissiper tout malentendu qu'une publication partielle a pu générer, il nous a paru utile de mettre à disposition de chacun la liste exhaustive de nos filiales, de leurs pays d'immatriculation et de leurs pays d'opération", a indiqué Patrick Pouyanné cité dans un communiqué.

L'initiative a été saluée mercredi par le ministre des Finances Michel Sapin, qui a souhaité que "toutes les entreprises françaises rentrent dans ce qui d'une manière ou d'une autre deviendra la règle".

Dans ce document, on apprend par exemple que le groupe possède plus de 200 filiales en France, 45 au Royaume-Uni, 11 au Canada, mais aussi une soixantaine aux Pays-Bas, 15 aux Bermudes ou encore 3 aux Iles Caïmans et 3 au Luxembourg.

Dans beaucoup de cas, le lieu d'immatriculation de la société est différent de son lieu d'opérations. Par exemple, la filiale Angola Block 14 B.V est immatriculée aux Pays-Bas et opère en Angola tandis que pour des opérations dans ce pays africain, Angola LNG limited est immatriculée aux Bermudes.

Ces différences, que l'on retrouve chez de nombreuses multinationales, suscitent des suspicions d'optimisation fiscale avec des immatriculations dans des pays considérés comme des paradis fiscaux.

Total s'en défend, son directeur général affirmant fin janvier dans un entretien au Monde que le groupe n'est pas dans ces pays "pour des raisons d'optimisation fiscale, mais pour des raisons comptables, ou juridiques", comme la possibilité d'y tenir des comptes en dollars, ce qui est impossible en France, mais l'est en revanche aux Pays-Bas.

Et pour convaincre, le groupe a déjà rapatrié 14 de ses filiales en Europe depuis 2012 et prévoit d'en retirer neuf de plus d'ici la fin 2016 qui sont actuellement implantées aux Bermudes et aux Iles Caïmans.

Toutefois Total rappelle que "pour des raisons opérationnelles ou juridiques, notamment dans les cas où Total n'est pas l'actionnaire décisionnaire dans les sociétés en question", il n'est "pas envisageable" de fermer la totalité des filiales situées dans ces pays.

- "Encore beaucoup de questions" -

La décision de Total "révèle le cadre global qui va vers plus de transparence, de nécessité d'avoir un comportement fiscal qui soit plus traçable et plus acceptable", a réagi à l'AFP Pascal Saint-Amans, directeur à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et pilote des négociations internationales sur le secret fiscal.

L'OCDE a fait de la lutte contre l'optimisation fiscale une de ses priorités et parmi les mesures actées figure l'obligation pour les entreprises à partir de 2017 de déclarer à leur administration fiscale (mais pas au grand public contrairement à ce qui existe dans l'Union européenne pour les banques) la localisation des bénéfices, des chiffres d'affaires et de leurs employés pays par pays.

En attendant, pour Lucie Watrinet, de l'association CCFD Terre Solidaire et coordinatrice de la plateforme paradis fiscaux et judiciaires, la liste publiée par Total laisse "encore beaucoup de questions".

"C'est effectivement un grand pas en avant vers la transparence, mais pourquoi autant de filiales aux Pays-Bas, par exemple, alors qu'on sait que les Pays-Bas sont un lieu d'attraction de beaucoup de holding avec des niveaux d'impôt attractifs" pour certains revenus des entreprises, s'interroge-t-elle.

Ce pays est d'ailleurs dans le collimateur de la Commission européenne qui a lancé une enquête pour savoir si le groupe Starbucks n'y a pas bénéficié d'avantages fiscaux indus.

La démarche de Total "va dans le bon sens mais concrètement cela ne va rien changer si on n'a pas l'étape suivante qui est d'avoir une liste complète d'informations sur leurs activités et les bénéfices des sociétés dans ces paradis fiscaux", résume Manon Aubry, porte-parole de l'association Oxfam.

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