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Tour de France: Ullrich, héros national ou brebis galeuse?

L'Allemagne n'oublie rien... mais ne pardonne rien non plus. Seul Allemand vainqueur du Tour de France, Jan Ullrich ne sera pas au départ de Düsseldorf samedi pour fêter les 20 ans de son triomphe: son image de héros national se mêle encore trop à celle du paria, coupable d'avoir trahi ses admirateurs en se dopant.

L'anecdote est cruelle, mais révélatrice: en mai cette année, les organisateurs du Tour de Cologne avaient recruté le retraité de 43 ans comme directeur sportif de l'épreuve. Des médias ont protesté. Ullrich, sentant monter le vent de la polémique, a démissionné avant même de prendre son poste...

"Je trouve ça triste que Ullrich soit toujours traité comme ça après tant d'années", déplore André Greipel, actuelle star du sprint allemand, qui continue à considérer son aîné comme "un héros populaire".

"Il a beaucoup dérouillé ces dernières années, il a mérité une deuxième chance. Il a fait tellement pour le cyclisme allemand", ajoute Marcus Burghardt, couronné champion d'Allemagne dimanche dernier.

Au "héros", comme l'appelle également Bild, le quotidien le plus lu d'Allemagne, on reproche surtout de n'avoir pas fait d'aveux détaillés et circonstanciés. De n'avoir concédé que du bout des lèvres en 2013, soit des années après la fin de sa carrière en février 2007, son implication dans le programme de dopage du sulfureux docteur Fuentes.

"Je ne parle plus de dopage, je regarde vers l'avant", se contente de répondre l'idole déchue à Bild, qui l'a relancée sur le sujet cette semaine. "Ça fait dix ans que j'ai arrêté, et on me parle toujours de dopage. Oui, j'ai fait des erreurs, mais j'ai été puni, et j'ai payé".

Aujourd'hui, l'ex-rival de Lance Armstrong vit à Majorque avec sa famille, et organise des camps d'entraînement pour cyclotouristes. Il a également des parts dans une société qui fabrique des caissons hyperbare, pour simuler les conditions d'altitude.

- 'C'était comme en 1954' -

Dans l'imaginaire collectif allemand, Ullrich reste toujours associé aux plus grandes heures de gloire sportive. "J'avais neuf ans, mon père et mon oncle criaient devant le téléviseur, et je me demandais pourquoi...", se souvient Marcel Kittel, autre as du peloton.

"C'était presque comme en 1954, lorsque l'Allemagne est devenue championne du monde (de foot) pour la première fois", témoigne pour sa part le légendaire reporter sportif Herbert Watterott, âgé de 75 ans: "Le Tour de France était le sujet de conversation numéro un dans le pays".

"A l'époque", se rappelle Ullrich, "les gens faisaient la queue pendant des heures pour avoir un autographe, je ne pouvais pas sortir au cinéma ou aller faire mes courses".

Le jeune champion, né et formé en RDA communiste, a alors 23 ans. Son maillot jaune provoque un boom extraordinaire du cyclisme allemand, dont les conséquences sont encore bien visibles aujourd'hui, avec toute une génération de professionnels qui avouent volontiers avoir été inspirés, enfants, par ses exploits.

Beaucoup d'Allemands ne retiennent d'ailleurs que cette victoire historique sur le Tour, et oublient apparemment que la suite de sa carrière a beaucoup ressemblé à l’itinéraire d'un enfant gâché, en raison d'un manque de rigueur et d'un mental parfois défaillant.

Le conte de fées s'arrête brutalement à la veille du départ du Tour 2006, lorsque Ullrich est mis hors-course, parce que son nom apparaît dans l'affaire dite "Puerto", un réseau de dopage sanguin. Huit mois plus tard, discrédité, découragé, il met un terme à sa carrière.

Nostalgique, peut-être, il a annoncé qu'il serait sur le bord de la route dimanche lors de la 2e étape entre Düsseldorf et Liège, à Korschenbroich. Pour la première fois depuis sa retraite sportive.

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