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UBS France renvoyée au tribunal pour harcèlement sur deux lanceurs d'alerte

Nouveau revers pour le géant bancaire suisse UBS, déjà poursuivi pour avoir mis en place un vaste système de fraude fiscale: sa filiale française a été renvoyée devant le tribunal pour avoir harcelé deux lanceurs d'alerte à l'origine des révélations.

Le juge d'instruction Guillaume Daieff a ordonné le 28 août qu'UBS France soit jugée pour avoir harcelé Nicolas Forissier, ancien responsable de l'audit interne, et Stéphanie Gibaud, chargée du marketing événementiel, a appris l'AFP mercredi de sources proches du dossier.

Ces deux cadres, licenciés depuis, avaient contribué à dénoncer les pratiques du groupe suisse et au déclenchement d'une enquête en France. Après six ans d'investigations, un procès a été ordonné en mars à l'encontre de la maison-mère pour "démarchage bancaire illégal" ainsi que "blanchiment aggravé de fraude fiscale" et contre sa filiale française, accusée de "complicité".

"On m'a soupçonné pendant des années d'avoir menti, mais la vérité commence à se faire jour: on a voulu me faire taire", relève Nicolas Forissier auprès de l'AFP. "Mon licenciement était abusif et j'ai en plus subi un harcèlement aux conséquences très importantes sur mon état de santé", ajoute-t-il.

Embauché en 2001, l'ancien cadre a vu son bonus diminuer de manière significative après ses premières révélations en 2007. Une promotion lui a été refusée et il a été exclu d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il faisait à l'origine partie, relève Guillaume Daieff. Nicolas Forissier a finalement été licencié en 2009 pour faute grave.

Quant à Stéphanie Gibaud, chez UBS France depuis 1999, ses missions ont été réduites à "des tâches subalternes administratives" à partir de l'été 2008, note le magistrat.

Contrairement aux réquisitions du parquet de Paris, le délit de subornation de témoin à l'encontre de Nicolas Forissier n'a pas été retenu par le juge qui estime qu'il n'existe "pas de charges suffisantes".

L'ancien responsable de l'audit interne a fait appel de l'ordonnance, demandant que la banque soit aussi renvoyée pour ce chef.

"UBS France a tenté d'empêcher que notre client témoigne lors d'un procès lié à cette affaire de fraude fiscale. A notre sens, les pressions exercées sont également constitutives d'une subornation de témoin", ont affirmé ses avocats Me William Bourdon et Apolline Cagnat.

- "Détruire tous ses fichiers" -

"Ce renvoi pour harcèlement pourrait peser sur les débats lors du grand procès sur les soupçons de fraude fiscale", souligne de son côté une des sources proches du dossier.

Le poids lourd mondial de la gestion de fortune est accusé d'avoir, entre 2004 et 2012, démarché illicitement des clients en France et mis en place une série de dispositifs pour qu'ils dissimulent des avoirs au fisc français.

Ce procès, portant sur des avoirs non déclarés estimés à quelque 10 milliards d'euros, sera le premier d'une telle ampleur en France.

Nicolas Forissier a notamment contribué à révéler la pratique du "carnet du lait", une comptabilité officieuse tenue par la banque retraçant des fonds collectés en France mais transférés à l'étranger, en Suisse ou ailleurs, potentiellement pour échapper à l'impôt.

Stéphanie Gibaud a quant à elle dévoilé certaines pratiques des commerciaux suisses chargés de démarcher une riche clientèle française repérée lors de réceptions, parties de chasse ou rencontres sportives, pour la convaincre d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse.

Elle a publié un livre en 2014 qui lui vaut d'être poursuivie en diffamation par la banque. Elle y affirme avoir reçu en juin 2008 la consigne de "détruire tous ses fichiers" informatiques, en particulier les listes de clients, alors que le groupe UBS a déjà été inquiété par la justice américaine et que les soupçons de fraude fiscale s'accumulent en France.

Stéphanie Gibaud a également saisi la justice administrative, réclamant une indemnisation pour sa collaboration avec des enquêteurs des Douanes dans cette affaire.

Sollicitée, UBS France n'a pas souhaité réagir.

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