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Un tram pour l'Europe sans frontières entre Strasbourg et Kehl

72 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Strasbourg et Kehl, sa voisine allemande, sont à nouveau reliées depuis vendredi par une ligne de tramway, symbole de la libre circulation dans l'Europe sans frontières.

Vers 16h30, deux rames de trams ont franchi pour la première fois le nouveau pont construit spécialement entre les deux rives du Rhin, et qui permet de parcourir en 20 minutes les quelque 5 km séparant Kehl du centre de Strasbourg.

Au son de l'"Hymne à la Joie", les maires des deux villes-frontières, Roland Ries (Strasbourg) et Toni Vetrano (Kehl), ont ensuite procédé à l'inauguration officielle, aux côtés de Peter Altmaier, le chef de la chancellerie allemande, qui représentait Angela Merkel.

"Ce tramway et ce pont ne sont pas juste un symbole, mais une pierre pour une Europe commune. Après les élections en France et en Allemagne, nous devons continuer le travail fait ensemble pour l'Europe", a souligné M. Altmaier.

Cette extension du tram strasbourgeois vers l'Allemagne a une "signification symbolique forte", a dit à l'AFP M. Ries, soulignant que le projet avait cependant rencontré de fortes résistances à Strasbourg.

"La priorité aurait été à l'ouest avec la desserte de Koenigshoffen, un quartier de 35.000 habitants pas encore desservi par le tram. J'ai fait le choix de pousser à l'est et je ne le regrette pas, parce que la dimension politique a son importance", soutient le maire.

Dans un premier temps, la ligne dessert la gare de Kehl, puis en 2018 elle s'étendra jusqu'à la mairie et l'école d'administration de la petite ville frontalière. Côté français, deux arrêts sont prévus pour une agglomération encore à réaliser, car elle traverse une zone d'anciens terrains militaires.

- Dépasser les idées reçues -

Un tramway reliait les deux rives du Rhin depuis 1896, mais à l'époque Strasbourg était allemande. Les deux guerres mondiales ont brisé cette liaison. Le dernier franchissement du Rhin par une rame de tramway date de 1945. L'Europe a consolidé la réconciliation entre les deux pays et Strasbourg est devenue un carrefour européen, et le siège du Parlement européen. Plus de 20.000 habitants de Strasbourg travaillent en Allemagne.

Reconstruire le pont du tram sur le Rhin - également doté de pistes cyclables - a pris trois ans. Le chantier a coûté 96,6 millions d'euros, dont 70,4 à charge de l'Eurométropole de Strasbourg et 26,2 pour Kehl. Le budget européen a accordé 3,25 millions d'euros pour financer la pile centrale du pont.

L'extension de la liaison en tramway devrait faciliter la vie aux habitants des deux villes. Jusqu'à présent, ils circulaient entre les deux agglomérations en bus, mais la ligne était souvent surchargée et le bus ne circulait pas le soir. Restait la voiture, mais le pont est souvent embouteillé et le stationnement prohibitif à Strasbourg.

Cette extension soulève encore des réticences parmi les commerçants strasbourgeois qui redoutent un exode de leurs clients attirés par les prix moindres côté allemand, notamment pour le tabac. Les buralistes du Bas-Rhin ont ainsi dénoncé vendredi dans un communiqué l'ouverture du "tram de la concurrence déloyale", qui va "pousser encore plus de fumeurs à s’approvisionner en Allemagne".

Mais Strasbourg a ses attraits, avec ses commerces haut-de-gamme, son opéra et ses théâtres. "Aux commerçants de gérer cette compétition", estime Roland Ries.

"Nous sommes en Europe. Le tram facilitera peut-être la venue des Allemands", souligne-t-il. L'arrivée du tram est annoncée depuis des mois à Kehl et la campagne de communication insiste sur les attraits de Strasbourg.

Il devrait aussi augmenter le nombre des frontaliers. "Nous avons un taux de chômage de 10%. De l'autre côté du Rhin, il est à 3,5%", souligne Roland Ries. La ville de Strasbourg développe les formations linguistiques pour faciliter l'embauche de jeunes en Allemagne.

"Mais ce n'est pas facile. L'Allemagne reste encore un pays étranger, même s'il n'y a plus de frontières. Elle ne fonctionne pas comme nous, n'a pas les mêmes modes de vie ni les mêmes manières de travailler. Il va falloir essayer de dépasser tout cela", conclut Roland Ries.

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