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Une Bulgarie à deux vitesses, dix ans après son entrée dans l'UE

Des ouvrières textile payées "moins cher qu'en Chine" et des cracks de l'informatique vivant aussi bien que dans la Silicon Valley: dix ans après son adhésion à l'UE, la Bulgarie se développe à deux vitesses sans parvenir à s'extirper de la pauvreté.

Penchées sur des machines à coudre avec lesquelles elles confectionnent des vêtements pour de grandes marques européennes dans une usine de Lovetch, au nord-est de Sofia, quelque 150 ouvrières travaillent avec discipline.

Les salaires débutent à 230 euros -- le minimum légal -- et ne dépassent pas 400 euros en moyenne, un plancher au sein de l'Union européenne.

"Nous cousons pour moins cher qu'en Chine", relève Radina Bankova, patronne de l'usine et présidente de l'association patronale bulgare du textile.

Cet atout compétitif, ajouté à l'avantage de produire au sein même de l'UE, a permis au secteur de devenir le deuxième plus gros employeur du pays après l'Etat, avec quelque 100.000 salariés, et à la Bulgarie de devenir l'un des principaux ateliers de confection du continent.

Mais en dépit d'un coût de la vie modéré, dans ce pays le plus pauvre des Vingt-Huit, la faiblesse des salaires ne permet guère de nourrir les rêves de prospérité qui avaient accompagné l'entrée de la Bulgarie dans le club européen en 2007.

Et si la lutte pour le pouvoir d'achat figure au programme de tous les partis en lice lors d'élections législatives dimanche, les troisièmes en quatre ans, peu croient à ces promesses.

"Je ne m'intéresse pas à la politique. Ils sont tous pareils. Je suis déjà contente d'avoir un boulot, aussi peu payé soit-il", confie une ouvrière d'une cinquantaine d'année souhaitant conserver l'anonymat.

A Doupnitsa, au sud de Sofia, une autre salariée du textile indique travailler plus de 42 heures par semaine, au salaire minimum.

"Mais quand il y a une grosse commande à finir, nous travaillons aussi le samedi sans toucher d'heures supplémentaires. Personne n'ose rien dire de peur d'être licencié...", assure-t-elle.

- Culbute des salaires -

Le textile n'est pas une exception: le salaire moyen dépasse tout juste les 500 euros au plan national et n'excède pas les 400 euros dans le bâtiment, l'industrie, les services de base et l'agriculture.

Même calculé en termes de parité de pouvoir d'achat, le pays reste à la traîne de l'UE, avec un Produit intérieur brut (PIB) par habitant inférieur de moitié à la moyenne européenne.

Ces salaires très bas ont favorisé l'exode de 3,5 millions de travailleurs bulgares depuis la fin du communisme, et incitent d'autres à se tenir éloignés du marché du travail. Au total, seul 2,9 millions de personnes occupent effectivement un emploi en Bulgarie, sur une population de 7,2 millions.

Mais les quartiers branchés de Sofia témoignent d'une autre réalité bulgare: celle de l'essor du secteur des nouvelles technologies.

Dopé par la présence de personnels qualifiés et de salaires raisonnables, ce secteur, qui avec l'industrie automobile est celui qui attire le plus d'investissements étrangers directs, emploie désormais de 40 à 50.000 personnes, et pèse près de 4% du PIB bulgare -- une part deux fois plus importante que le textile.

Dans les vastes bureaux d'une compagnie de logiciels américaine établie dans la capitale, l'ambiance est studieuse mais décontractée.

Les salaires dans la branche s'élèvent à 1.400 euros en moyenne mais peuvent faire plusieurs fois la culbute en fonction des qualifications, souligne le patron de cette filiale, Stanimir Nikolov.

"Mon niveau de vie est totalement comparable à celui que j'aurais si je travaillais comme spécialiste des nouvelles technologies à l'étranger. Le salaire y serait un peu plus élevé, mais le niveau de vie serait le même", souligne Zornitsa Detcheva, développeuse informatique depuis douze ans.

Alors que le pays a affiché l'an passé une des croissances les plus dynamiques de l'UE à 3,4%, le politologue Evgeni Dainov en est convaincu: "il est tout à fait possible pour la Bulgarie de devenir une puissance économique, certes modeste, mais aux salaires corrects."

Mais cela suppose que le pays se libère "des monopoles et des cartels" et surtout du fléau de la corruption, considéré tant par les organisations internationales que par la population comme le principal facteur de pauvreté, souligne-t-il.

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